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le plus souvent en portent le nom. Les mœurs et les superstitions des Serbes, des Bulgares, des Valagues, sont en tout celles des Grecs. Les Slaves ont pris des Hellènes jusqu’à leur musique religieuse et profane. C’est ainsi que les Slaves ont envahi la Grèce ! c’est ainsi que la Grèce est slavisée !

Loin de porter la trace d’une influence étrangère, le génie grec attesté son indépendance par la variété même de ses manifestations. Aucun pays n’offre autant de contrastes que l’Hellénie. Chacune des tribus qui l’habitent, tout en se conformant au caractère général, a ses traits spéciaux, sa physionomie à part. Ces familles diverses peuvent se rapporter à trois grands types : le Roméos, l’Hellène proprement dit, et l’insulaire. Les Roméi ou Roméliotes, répandus depuis l’Épire jusqu’à Constantinople, tendent au Bosphore. Les Hellènes proprement dits, ou ceux du royaume actuel, furent de tout temps groupés autour d’Athènes et de l’antique Lacédémone. Enfin, les insulaires, tribus nées du sang grec mêlé au sang franc, africain et asiatique, se tournent pour la plupart vers l’Occident. Ce sont les plus actifs, mais aussi les plus turbulens d’entre les Grecs, et, par un engouement trop aveugle soit pour la France, soit pour l’Angleterre, ils ont plus d’une fois compromis les destinée de l’Orient.

La vaste Romélie recèle dans son sein tous les extrêmes. Cette terre des palicares a gardé dans ses asiles montagneux les mœurs homériques avec leur grandiose simplicité tandis que ceux de ses enfans, établis sur le Bosphore ont toutes les idées de l’Europe moderne, et transportent dans leurs salons les raffinemens les plus exquis de l’élégance parisienne. Dans la vie et les institutions actuelles des Rouméliotes, on retrouve l’empreinte de tous les âges du monde. Tandis que les mœurs byzantines règnent encore dans les bas quartiers du Fanar, les mœurs rudes, l’allure superbe de l’hellénisme païen, se sont conservées chez les montagnards. La vie manufacturière et quasi-anglaise de quelques tribus des vallées thessalo-macédoniennes contraste avec la vie simple de certains districts agricoles, qui ont conservé jusqu’à la charrue pélasgique décrite par Hésiode. A l’aristocratie militaire des guerriers de l’Agrapha et de l’Olympe, on peut opposer la démocratie primitive des Vlaques (Βλαχοι), tribus nomades, qui, suivant les saisons, montent ou descendent avec leurs troupeaux de la base aux sommets du Pinde. Telles sont les diverses peuplades qui forment, sous le nom de Roméliotes, le premier élément de la nationalité hellénique. A côté de ces nombreuses tribus, le mélange continuel du Bulgare et du Serbe avec le Roméos a produit en Romélie un