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forte que les Maghyars, l’Illyrie slave ne pourra les absorber ; mais elle pourrait, si elle leur était hostile, paralyser tous leurs efforts. Au contraire, fraternellement réunis, tous ces peuples formeront, comme l’Allemagne, un puissant faisceau d’états, représentés par une diète suprême. Là, le Maghyar verra sa langue librement acceptée, parce qu’il aura accepté et appris lui-même la langue de ses voisins ; là, il pourra faire briller aux yeux du monde entier l’éloquence dont il est doué. Son union avec les Croates poussera les limites de sa puissance morale jusqu’au-delà de Trieste, jusque chez les Ilires de Carinthie et du Frioul. Cette union iliro-maghyare sera en Occident le contre-poids de l’union orientale des Bulgares et des Serbes, étendue jusqu’à la mer Noire. Déjà forte de 13 millions d’hommes, la puissance hongroise atteindrait le chiffre de 20 millions en s’associant les Bulgaro-Serbes, dont les positions géographiques sont stratégiquement, après celles des Grecs, les plus belles de l’Europe.

L’obstacle principal à la réunion politique et à la centralisation morale de tous ces peuples sera la différence de religion. Les Maghyars, étant latins, ne se laisseront pas facilement persuader d’avoir pour le rite grec le respect et la sympathie qu’il mérite. Leur antagonisme ardent et chevaleresque contre la Russie les égare sous ce rapport, et leur fait trop souvent confondre ce qui est gréco-slave avec ce qui n’est que russe. Quoique différente, la position des Croates n’est guère plus avantageuse. Ces Slaves latins forment une telle minorité, qu’ils doivent renoncer à exercer une influence décisive sur les mœurs générales et la marche politique de l’Illyrie. Sans doute l’Illyrie ne peut être exclusive : essentiellement médiatrice, elle tend par ses enfans serbes une main à la Grèce et l’autre à l’Allemagne par ses Ilires ses Croates. Toutefois, l’énorme majorité de la nation étant orientale, l’intérêt bien entendu des Maghyars, autant que des Croates, doit les porter à faire dominer les tendances orientales dans leur politique. Ils devraient, non-seulement favoriser le libre épanouissement du rite grec-uni partout où il subit des restrictions locales, mais encore se rapprocher eux-mêmes de ce rite, autant que peut le permettre la fidélité à la foi de leurs pères. Ils doivent surtout ne jamais dénaturer le côté si richement institutions oriental de leurs institutions politiques.

Puissans par leur nombre et plus encore par leur courage héroïque, les Illyriens, tant slaves que maghyars, manquent encore d’un levier indispensable pour toute grande émancipation, le levier du commerce. Il leur faut de larges débouchés extérieurs, et leur place comme nation maritime dans la Méditerranée. Cette place, ils ne la conquerront