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Mais laissons parler le prince Wied-Neuwied : « On avait logé ces Indiens dans un grand magasin situé non loin du port ; nos nous y rendîmes sur-le-champ. Le peuple s’y était rassemblé en foule, et sous reconnûmes de loin, au milieu des curieux, ces étranges figures basanées enveloppées dans des couvertures de laine, rouges, blanches ou vertes. Leur premier aspect, qui me causa une assez grande surprise me convainquit immédiatement qu’ils étaient alliés de près aux Brésiliens, et je les tiens par conséquent pour être absolument de la même race. Ce sont des hommes forts, bien faits, d’une taille généralement au-dessus de la moyenne, musculeux et charnus. Leur physionomie est expressive ; ils ont les traits fortement marqués, les pommettes saillantes, les côtés de la mâchoire inférieure larges et anguleux, les yeux noirs, vifs, pleins de feu, et l’angle intérieur un peu rabaissé, surtout dans la jeunesse, mais moins toutefois que chez les Brésiliens. Une de ces conférences eut lieu dans la maison du général Clarke. Les Indiens, qui étaient du nombre d’environ trente s’étaient parés et peints de leur mieux. Leurs chefs étaient assis ensemble sur la droite ; leur maintien était grave et solennel ; le général leur fit d’abord dire par l’interprète pour quel motif il les avait rassemblés dans ce lieu ; après quoi leur chef Kiokuck se leva, tenant le calumet de la main gauche, et faisant de la droite des gestes appropriés à ses pensées ; il parla à très haute voix, par sentences entrecoupées et qu’interrompaient de courtes pauses. Le général Clarke nous avait présentés aux Indiens en disant que nous étions venus, de fort loin, par-delà les mers, pour les voir, et toute l’assemblée indienne exprima sa satisfaction par le cri prolongé de : Hé ! ehé ! Avant et après la séance, tous les Indiens défilèrent devant nous, et chacun d’eux nous tendit la main droite en nous regardant fixement dans les yeux ; ils se retirèrent après cela, ayant leurs chefs à leur tête. »

A la suite de ces conférences, le Faucon Noir fut mis en liberté. Dans sa captivité, il n’était pas resté entièrement, oisif. Comme tous les grands hommes du siècle, il éprouva le besoin d’écrire ses mémoires. En 1834, une autobiographie du guerrier indien, dictée par lui-même à l’interprète Antoine Leclair, a été publiée à Boston sous ce titre : The Life of Mal-ka-tai-me-she-kia-kiak or Black Hawk dictated by Himself. Nous ne citerons qu’un seul passage de ce livre extrémement curieux, c’est celui où le guerrier indien raconte son premier exploit. Il avait alors seize ans. « Comme je me tenais auprès de mon père, je le vis tuer son antagoniste et enlever le scalp de sa tête. Cet exemple me remplit d’une ardeur singulière. Je me jetai en