Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compagnie des pelleteries. Au moment du passage du prince Maximilien, il renfermait pour 80,000 dollars (450,000 francs) en marchandises, sans compter les sommes reçues en échange des Indiens. Au-delà de ce fort, construit au centre du district des indiens Dacotas, la physionomie du pays se modifie profondément. De tous côtés se dressent des monticules à pans aigus et verticaux, à travers lesquels le fleuve a peine à se frayer un passage ; puis ces monticules font place à des collines de forme conique et aux sommets arrondis. En examinant ces collines isolément, on reconnaît dans chacune d’elles un petit volcan avec son cratère ses laves et ses scories argileuses. Il est évident que ces monticules boueux ont été lancés de bas en haut par les feux souterrains dont toute cette contrée dénote l’action. Ces monticules, dénués de végétation, alternent avec des prairies également nues. Le bord des rivières est seul garni de taillis et de rares futaies qui renferment une quantité d’elks aux bois énormes, de loups blancs et de cabris, tandis que de grands troupeaux de bisons parcourent les prairies. C’est là que vivait naguère la puissante tribu des Indiens Aricaras, qui avait construit plusieurs villages, abandonnés aujourd’hui. Les habitans, hostiles aux blancs, ont fui leur vengeance et se sont enfoncés dans le désert, entre Saint-Louis et Santa-Fé. Le chef des Aricaras, lors de l’émigration, s’appelait Starapat (la main pleine de sang) ; les femmes de cette tribu étaient les plus belles du Missouri.

Dans les fragmens de son Voyage en Amérique, et dans son poème des Natchez, M. de Châteaubriand a vivement retracé quelques scènes de la vie indienne, dont il paraît n’avoir étudié que le côté pittoresque. L’imagination d’un grand poète n’embellit qu’à la charge d’ennoblir ; elle relève le côté vulgaire des choses. Tout en laissant aux scènes de la vie sauvage leur énergique grandeur, l’illustre écrivain a rejeté dans l’ombre les teintes crues et discordantes, les détails prosaïques et grossiers, qui auraient pu nuire à l’effet peut-être un peu trop pompeux de ses tableaux. Washington Irving dans son Astoria, et le prince de Wied-Neuwied, dans son intéressant voyage, sont restés plus fidèles à la vérité. Historiens et dessinateurs précis plutôt que poètes, ils se sont bien gardés de négliger ces particularités vulgaires, mais intéressantes, qui, après tout, sont la vie. Tous deux ont dessiné le modèle qu’ils avaient sous les yeux, ils ne l’ont pas fait poser. Leurs tableaux sont donc, avant tout, des restitutions ; ils sont essentiellement vrais. Nous doutons qu’aucun écrit puisse mieux nous initier aux occupations et aux émotions si variées de la vie indienne que quelques-uns des chapitres de l’Astoria de Washington Irving. Sa description d’un