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arrive à la fin et comme par grace. Évidemment M. Audin ne possède pas la science de la composition, il est tombé dans le défaut d’un intendant peu habile qui, dans un repas où figureraient d’ailleurs d’assez bons mets, servirait d’abord le dessert.

La réforme et la renaissance attendent encore leur historien. Les essais estimables de M. Audin sont loin d’être un dernier mot sur ces deux éclatantes périodes, et les concurrens ne doivent pas être désarmés du coup. En voici déjà un qui se présente. À la vérité celui-ci est aguerri, de longue main, il n’est pas facile à intimider, d’autant que je le soupçonne de s’avancer à la légère, de se faire volontiers illusion sur les obstacles, et de ne pas avoir l’idée du danger ; il entre dans l’histoire comme.dans ses domaines, et, quelles que soient les difficultés qu’il rencontre sur sa route, il va un train de prince, sans s’arrêter, s’inquiétant peu des accidens ; on ne sera pas étonné de ce que j’en dis quand j’aurai nommé M. Capefigue. Cela devait arriver : toute l’histoire de France y passera ; bientôt même le monument va être complet et dans de vastes proportions. Sera-t-il aussi durable que colossal ? Je le souhaite et n’ose l’espérer en présence du jugement que porte M. Capefigue dans sa préface sur M. Gaillard, son devancier, dont les volumes enflés ne contiennent rien que quelques réflexions boursouflées dans le beau style du temps.

François Ier et la Renaissance, tel est le titre de la nouvelle production de M. Capefigue. Les évènemens qui, dans la première partie de l’ouvrage, se déroulent sous la plume de l’infatigable improvisateur, sont les mêmes qu’a retracés M. Audin ; seulement, l’un voit de Paris, l’autre voit de Rome. Dans le concert que le premier nous a donné, c’est Léon X qui est le chef d’orchestre, et dans le concert du second, c’est François Ier qui tient la baguette. À cette différence près, le sujet est le même dès le début, car toute l’Europe alors se mêle, s’entrechoque, tout mouvement est électrique ; ce qui éclate ici retentit partout ; et l’écrivain, pour peu qu’il veuille pénétrer la raison des choses, est forcé d’avoir l’œil en même temps sur l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la France et l’Angleterre. Léon X, Charles Quint, Maximilien, Henri VIII, François Ier, jouent dans le même drame, sont les héros d’une même pièce ; ils valent et s’expliquent l’un par l’autre, de telle sorte que le peintre qui fait le portrait d’un de ces personnage doit, pour la ressemblance, lui donner tous les autres pour galerie. M. Capefigue s’est donc trouvé au milieu des mêmes hommes et des mêmes péripéties que l’auteur de Léon X ; il a jugé à propos de s’en tirer autrement que lui a-t-il mieux fait ? Après avoir constaté un échec, avons-nous à enregistrer une victoire ?

Certes, je ne veux pas diminuer M. Capefigue, et je ne suis pas de ceux, — il y en a, et des meilleurs, — qui ne lui reconnaissent aucune qualité ; mais j’aurais été fort surpris qu’il nous eût donné un vrai tableau de la renaissance, au lieu d’une esquisse superficielle et incomplète. Il ne suffit pas, pour être un historien irréprochable, d’avoir visité les archives d’Augsbourg,