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de Vienne, de Munich, de Venise, de Florence, de Gênes, de Milan, du Vatican, comme on s’en vante avec complaisance, et de jeter sur le tapis quelque petit document, ce qui est bien peu après tant de voyages et de fatigues. Il ne suffit pas non plus d’avoir visité, pour votre plaisir, les champs de bataille d’Italie et d’Allemagne ; je ne vous demande qu’une chose, c’est de les décrire de telle façon que je ne les oublie pas. Or, les descriptions de M. Capefigue sont diffuses et chargées, comme son récit est prolixe et prétentieux. Et comment posséderait-il un bon style ? Quand on improvise avec un tel abandon quand les volumes naissent des volumes avec une si prodigieuse rapidité, on doit écrire sans goût ; à moins qu’on n’ait un goût infaillible : on doit avoir la phrase ambitieuse, pléthorique ou triviale, à moins qu’on n’ait la phrase toujours limpide de Voltaire, mais Voltaire n’eût pas écrit que Monstrelet et Juvénal des Ursins étaient des penseurs à travers la robe naïve de leurs impressions. La robe naïve des impressions n’est peut-être pas tout-à-fait du style historique, ni d’aucun style, c’est peut-être du jargon, comme Milan qui est une escarboucle, et bien d’autres définitions aussi simples et aussi claires. On pourrait, à la rigueur, pour ne pas se montrer trop puriste, pardonner à M. Capefigue toutes ces vétilles, s’il rachetait les défectuosités de détail par la profondeur et la nouveauté des vues, et s’il éclairait d’une lumière inattendue le règne fécond de ce François Ier, qui ressemble à un grand roi, quoiqu’il n’eût que d’heureux instincts sans hautes pensées. M. Capefigue ne rachète pas le détail par l’ensemble, tant s’en faut, et je ne puis mieux comparer son livre qu’à une dictée qui porte à chaque ligne les traces de la précipitation, et qui attend un second travail qui fera disparaître les mutilations du style et de la pensée. Il y a pourtant plus d’une page d’une touche assez brillante, et ces quatre volumes, malgré les observations qui précèdent, sont peut-être ce que l’auteur a écrit de moins incomplet dans ces dernières années. Il y aurait donc progrès ; pourquoi pas ? M. Capefigue nous apprend dans sa préface qu’il ne sépare pas dans ses études Guichardin et Tacite. Il les lit donc ! Qu’il les lise davantage, qu’il sache retirer un meilleur profit de leur commerce, et qu’on ne puisse pas douter, à son prochain livre qu’il hante une aussi bonne et aussi illustre compagnie. Jusqu’ici, le doute sur ce point était presque autorisé.

Si je m’écoutais, je ne laisserais pas ainsi le livre de M. Capefigue ; je me promènerais à plaisir autour de François Ier ; je le suivrais volontiers à Pavie, où, il y a quelques années, comme M. Capefigue, j’ai cherché ses traces ; j’arrêterais au passage la reine de Navarre et Amyot, Le Primatice et Léonard de Vinci ; je saluerais mon compatriote Marot mais le temps me presse, je me sauve ; un paquebot m’attend, je pars ; nous perdons de vue les côtes de France, et nous voici en Angleterre. Je prends un bon guide : c’est le livre d’un homme qui a su voir, juger ; qui regarde les choses de près, y met le temps ; et comme il se souvient à merveille, il raconte tout in extenso, il veut que le lecteur touche le moindre détail du doigt. Les souvenirs du Voyageur solitaire sont pleins de faits, de renseignemens curieux, sans compter les