Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc chercher les occasions d’une lutte avec l’Angleterre ? Puis on ajoutait : Ces craintes de guerre que vous soulevez devant nous, vous ne les avez pas ; c’est un fantôme ; vous préparez quelque faiblesse ; vous savez bien au fond que l’Angleterre n’est pas irritée. Votre imprudence peut se réparer sans compromettre la dignité du pays ; ayez confiance dans les bons sentimens du peuple anglais, dans l’estime qu’il porte à notre nation, dans cette noble intimité qui lie les deux couronnes. Point de présomption, point d’impatience, point de procédés violens, point de refus injustes, mais aussi point de concessions inutiles, point d’abandon irréfléchi de vos droits ; montrez de la modération et de la force. Si, dans un moment d’oubli, on vous insulte, contenez-vous ne portez pas la main à votre épée, mais aussi ne jetez pas épée à terre ; c’est l’épée de la France ! Nous, avons dit cela cent fois : le voyage du roi est venu nous donner raison. Non, pour calmer le peuple anglais, pour réparer la faute de Taïti, le désaveu si prompt et si impolitique de l’amiral Dupetit-Thouars n’était pas nécessaire. Non, pour terminer l’affaire Pritchard, il n’était pas nécessaire que la France blâmât un officier qui a fait courageusement son devoir, et indemnisât un missionnaire fanatique qui a fait verser, le sang français. Non, pour ménager la susceptibilité de l’Angleterre, il n’était pas nécessaire que la France, attaquée par le Maroc, prît conseil du cabinet anglais avant de venger son offense. Non, il n’était pas nécessaire que notre cabinet mît dans les mains de sir Robert Peel les instructions données aux commandans de notre flotte et de notre armée. Le peuple anglais, plein d’estime pour la France, n’exigeait pas ces communications humiliantes et dangereuses Non, pour épargner l’amour-propre de la marine anglaise, il n’était pas nécessaire que le prince de Joinville reçût l’ordre de ne pas occuper la ville de Mogador après l’avoir prise. Enfin, pour préparer au roi un accueil digne de lui, digne de la France, il n’était pas nécessaire de conclure à la hâte avec un ennemi vaincu et consterné une paix sans garanties, qui blesse l’orgueil de nos marins et de nos soldats, et qui diminue l’effet de nos victoires. Rien de tout cela n’était nécessaire. L’accueil reçu par le roi en Angleterre, l’expression spontanée des sympathies du peuple anglais pour la France et pour la royauté de juillet, ses sentimens pacifiques si nettement exprimés par les adresses des corporations et si conformes aux véritables intérêts de la nation britannique, tout cela prouve évidemment que le ministère français, dans ses rapports avec le gouvernement de Londres, eût pu, sans exposer la paix un seul instant, ne pas exposer comme il l’a fait la dignité et l’intérêt de la France.

En résumé, le voyage du roi, au lieu de fortifier le ministère devant les chambres fournit de nouveaux argumens contre lui. Le ministère essaiera de persuader à la majorité que le voyage du roi est une victoire contre toutes les oppositions réunies. En effet, M. Thiers, M de Rémusat, M. Dufaure, M. Duvergier de Hauranne, M. Billault, ne veulent-ils pas la guerre avec l’Angleterre ? Les feuilles anglaises ne nous ont-elles pas appris, il y a trois