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succédé celle de M. Gonzalez-Bravo. En vain les journaux de l’opposition exaltée, qui à ce moment-là reparurent ; accusaient-ils le gouvernement de méditer une réaction. Sur tous les points où l’Eco del Commercioet le Clamor publico soulevèrent la discussion, l’Heraldo leur fit subir une réfutation péremptoire. La tache de l’Heraldo était extrêmement facile : elle consistait, ni plus ni moins, à déclarer que le cabinet Narvaez, jaloux de suivre une politique toute différente de celle du cabinet Bravo, voulait scrupuleusement se renfermer dans les strictes limites du régime représentatif ; on éprouvait de si grands scrupules qu’on ne voulut avoir rien de commun avec les cortès qui avaient soutenu M. Gonzalez-Bravo, et de nouvelles chambres furent aussitôt convoquées. Durant les mois qui s’écoulèrent entre le décret de dissolution et l’ouverture de la session actuelle ; les jeunes hommes qui, pendant les pronunciamientos de juin ou pendant les dernières luttes parlementaires, s’étaient produits sur la scène politique, vinrent en grand nombre visiter la France et les autres pays constitutionnels de l’Europe, la France surtout. A Paris même, nous avons vu quelques-uns d’entre eux, ce ne sont pas les moins considérables, étudier sérieusement nos mœurs politiques et le jeu normal de nos institutions. Quel que soit le parti qu’ils ont depuis adopté, que pour eux notre témoignage soit aujourd’hui un éloge ou une sorte de reproche, peu importe, nous devons le dire, nous qui avons reçu la confidence de leurs projets ou de leurs vœux : rien dans ces vœux, rien dans ces projets n’était encore le moins du monde hostile à la loi fondamentale qu’à cette heure ils ont, pour la plupart, résolu de renouveler.

Il faut s’entendre pourtant ; nous ne parlons ici que des dispositions essentielles de la loi fondamentale. Alors déjà, la révision de cette loi était décidée mais si l’on veut voir combien on était loin de songer à la réforme actuellement proposée, il nous suffira de rappeler sur quelles questions le débat politique portait dans les journaux de Madrid. Tout entiers encore sous l’impression des abus qui, en Espagne, ont de tout temps signalé les élections générales, et des intrigues par lesquelles se sont compromises les dernières législatures, les publicistes de Madrid n’étaient frappés que des vices de la loi électorale ; c’était la constitution du congrès et du sénat qu’ils se proposaient de changer. Comme aujourd’hui, au sénat élu en vertu de la charte de 1837 ils voulaient substituer un sénat à vie ; comme aujourd’hui, ils voulaient porter de trois ans à cinq la durée des législatives ; ce n’est pas tout, sur ce terrain ils voulaient aller encore un peu plus loin qu’aujourd’hui. Sous le régime de la constitution de 1837, la nomination des députés a lieu par provinces, et l’on peut hardiment affirmer qu’en toutes les provinces les sections diverses dans lesquelles sont obligés de se répartir les votans ont semblé jusqu’ici prendre à tâche de l’emporter les uns sur les autres par les violences et les illégalités. Pour en finir avec de tels excès, on était de décidé fermement à substituer l’élection par arrondissemens ou par districts a l’élection par provinces ; c’est là précisément que, de la part des journaux