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modérés s’est durant long-temps concentré tout l’effort de la polémique. Vers la fin cependant et, pour ainsi dire, du soir au lendemain, ces journaux cessèrent de demander que sous ce rapport la constitution fût modifiée. Il ne faut pas que l’on s’en étonne : leurs principaux rédacteurs arrivaient de France et d’Angleterre, où ils avaient pu voir les inconvéniens de l’élection par districts, inconvéniens trop saillans et, si l’on peut ainsi parler, trop peu contestables pour qu’il convienne de s’arrêter ici à les définir. Au demeurant, à ce moment-là, il ne s’agissait ni de promulguer, en dehors des chambres, des lois organiques, question immense où tous les principes constitutionnels sont à la fois engagés, — ni d’enlever au jury le jugement des procès de presse ; — on eût voulu d’abord réformer la magistrature civile et criminelle, du moins en ce qui touche les juges de première instance, qui prochainement devront connaître de ces procès. Il ne s’agissait pas non plus de supprimer les gardes nationales, on n’avait pas oublié que durant sept ans c’étaient les urbanos et les milicianos qui avaient le plus contribué à dompter les factieux ; par eux encore, on espérait contenir le très grand nombre de soldats et d’officiers carlistes que la convention de Bergara a introduits dans l’armée. Encore moins songeait-on à revenir sur la vente des biens du clergé ou sur les dispositions précises qui, à vrai dire, avaient retranché de la famille régnante l’infant don Carlos et tous les princes de sa race. On se souvient peut-être que le ministère ayant été formellement accusé par les journaux progressistes de vouloir, non pas rétablir les ordres monastiques pour les réintégrer dans leurs immenses propriétés territoriales, non pas restituer au clergé séculier ceux de ses biens déjà vendus, mais tout simplement suspendre la vente de ceux qui n’étaient pas encore aliénés, les journaux du gouvernement s’indignèrent ; tous ensemble crièrent à la calomnie. M. Mon lui-même déclara que le cabinet n’avait pu penser à prendre une telle mesure, par la seule raison que la situation des affaires et les dispositions de l’esprit public la rendaient complètement inexécutable. Chaque matin, la Gazette de Madrid publiait, la liste des domaines de main-morte, des biens nationaux, qui, en dépit des rumeurs alarmantes, continuaient se vendre ; on conviendra que, pour ôter jusqu’aux dernières inquiétudes, on ne pouvait pas s’y prendre d’une plus sûre façon.

A la même époque, on s’en doit souvenir, le bruit courut, comme naguère encore, que le parti dominant préparait les voies à un mariage entre la reine Isabelle et le fils de don Carlos. Dans les journaux modérés, cette imputation souleva une colère véritable, qui fut long-temps à se calmer ; l’Heraldo publia des protestations éloquentes qui, en Espagne et en dehors de la péninsule, produisirent une impression si grande, que sur-le-champ l’accusation fut abandonnée. Qu’on veuille bien se rappeler le réel dédain qui, en pleine chambre des lords, fit justice des propositions que don Carlos avait transmises à lord Aberdeen ; qu’on se rappelle surtout avec quels transports de joie vit en Espagne, dans les journaux modérés, que sir