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maître du champ de bataille ; les couvens, les privilèges de la noblesse, la domination temporelle de l’église, les institutions de l’absolutisme, l’influence de l’Autriche, tout avait été remplacé par une confédération démocratique qui enveloppait la péninsule. C’était trop de bonheur : évidemment les républicains, avaient plus de pouvoir, que de force réelle ; les masses restaient indifférentes ou hostiles aux nouvelles institutions ; quelques fêtes civiques ne pouvaient pas changer en peu de jours les anciennes croyances, souvent même elles les irritaient au lieu de les vaincre. D’ailleurs, pour se maintenir, il fallait de l’argent et des soldats : les républicains pouvaient-ils créer d’un seul coup les finances et l’esprit militaire ? Bref, leurs ressources se réduisaient à l’enthousiasme révolutionnaire et à l’appui de l’armée. Or, l’enthousiasme les aveuglait sur leurs propres forces ; disposés à tous les sacrifices ; ils ne pouvaient croire qu’on ne partageât point leur héroïsme et qu’on préférât sincèrement la tyrannie à la liberté. Quant à l’armée française, c'était une armée étrangère ; à son arrivée, elle avait frappé d’énormes contributions sur toutes les villes, et, plus tard, elle subordonnait tous les intérêts italiens à ceux de la France. En 1798, Trouvé et Riveau altéraient de vive force la constitution de la république cisalpine, puis le parti français enlevait le Piémont à l’Italie ; enfin, Bonaparte, en sacrifiant Venise, avait humilié tous les patriotes et soulevé l’indignation de huit millions d’italiens. Chaque jour, l’influence française blessait ceux mêmes qu’elle protégeait. Là était la faiblesse du parti démocratique, là aussi le germe d’une tendance nouvelle défendue par un nouveau parti. A côté des absolutistes et des démocrates, il y avait les hommes sincèrement attachés à l’indépendance italienne, également opposés à l’influence française et à l’influence autrichienne, également hostiles à la démocratie pure et à l’absolutisme.

Le parti national italien s’était déjà manifesté en 1796 par l’association de la ligue noire, dont Bologne était le centre. La ligue noire comptait de nombreux adhérens dans les administrations, elle s’étendait à Rome et dans la Basse-Italie ; mais elle ne produisit d’autre effet que d’effrayer les polices des anciens gouvernemens. La société des Rayons, qui se forma en 1798, exerça une influence, plus active et plus étendue ; son but était d’obtenir l’indépendance de l’Italie et de tempérer les excès démocratiques par l’ascendant d’un patriciat républicain comme celui de Gênes et de Venise. Cette fois encore, impulsion partait de Bologne, et se propageait dans l’Italie centrale et dans le royaume de Naples. A Naples, il y eut bientôt un club anti-français ;