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une insurrection, la populace rêve des massacres, on désigne les victimes ; les unes doivent être jetées dans l’Arno, les fonctionnaires plus indulgens seront seulement coulés dans l’Arnino. L’alerte est vive à la cour de la princesse Elisa, tout le monde est sous les armes ; heureusement sept gendarmes suffisent à contenir toute une commune absolutiste. À la même époque, Lugo devient le centre d’une association théocratico-antinapoléonienne, vrai conciliabule d’assassins où l’on n’est admis qu’à la condition d’avoir tué un franc-maçon bonapartiste. À la première tentative, le coupable surpris en flagrant délit révéla trente complices, qui furent tous exécutés d’après une sentence du tribunal ordinaire de Lugo. La conspiration s’étendait d’un côté à Rome, de l’autre à Padoue, à Ferrare, avait des intelligences en Tyrol et correspondait avec le cabinet de Vienne. Comprimé en 1810, le parti royaliste devait une dernière fois renouveler ses tentatives en 1813 au moment où il apprenait les désastres de la Russie. Ses ressources étaient toujours les mêmes qu’en 1799 ; il avait pour lui l’Autriche, la lie du peuple et les brigands, avec la différence que cette fois il conspirait avec l’appui des sociétés catholiques, et qu’il ralliait sous son drapeau les démocrates persécutés par Napoléon.

Quand Napoléon avait restauré les formes aristocratiques, quelques démocrates s’étaient réfugiés dans les sociétés secrètes ; de là les carbonari. Le ministre de la police de Naples, Menghella, les avait introduits en 1808 dans les Calabres. Ce pays était prêt à l’insurrection, exposé aux intrigues de la cour de Palerme, aux menées des royalistes, et le roi Joachim fut conduit à tolérer la présence des carbonari dans les Calabres, pour y contrebalancer l’influence de Ferdinand IV et de la reine Caroline. Les carbonari n’étaient encore qu’une secte d’illuminés ; ils attendaient le règne du Christ, une république religieuse, la délivrance de l’Italie, la régénération de l’église. À l’époque de la république parthénopéenne, une partie du clergé napolitain avait expliqué la démocratie par les Écritures ; on avait traduit les Évangiles en patois, pour enseigner aux lazzaroni que le Christ était l’apôtre de la liberté. Nos modernes socialistes ne disent pas autre chose. Il paraît que cette courte prédication n’avait pas été perdue : les jacobins et les curés qui s’unissaient dans les ventes des carbonari calabrais considéraient tous Napoléon comme une puissance athée ennemie de la liberté, parce qu’elle était ennemie de l’église. Les sociétés catholiques attaquaient la révolution dans la personne de Bonaparte ; les sociétés démocratiques attaquaient la contre-révolution dans la dictature militaire de Napoléon. La nécessité du combat rapprocha les