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par un groupe nombreux d’ignobles personnages armés de parapluies. Le sénat faiblit, il accorda tout ; au même instant, la salle de ses délibérations fut envahie, les meubles furent jetés par les fenêtres, on se rua sur le ministère des finances, on découvrit le ministre Prina dans les combles du palais, et on le descendit avec les cordes du grenier dans la rue, où de misérables l’assommèrent à coups de parapluie. Le palais du comte Prina fut pillé et rasé, son cadavre traîné dans la ville ; l’émeute menaçait de saccager les palais des bonapartistes. Hâtons-nous de dire que le parti libéral, aveuglé, trompé dans cette circonstance, était entraîné et dominé par la noblesse, qui avait lancé la populace et les paysans contre le sénat. La noblesse exploita les causes du mécontentement public, en imputant les impôts, les conscriptions, toutes les mesures qui avaient soulevé la colère du peuple, aux ministres, aux fonctionnaires, qu’elle traitait d’intrigans et de concussionnaires. Les hommes de l’administration étaient tous italiens ; ils venaient de Modène, de Bologne, de Venise, des autres provinces du royaume d’Italie, et elle les représenta comme une masse de brigands étrangers. L’émeute, dispersée dans la rue grace à l’attitude énergique de la bourgeoisie, triompha au sein des corps électoraux grace aux manœuvres de l’aristocratie milanaise. Sans que les collèges fussent en nombre, sans convoquer le corps des savans dont on supprima les droits politiques, sans convoquer les commerçans des provinces que l’on excluait ainsi de la députation, sans admettre à voter les électeurs des provinces conquises qui se trouvaient à Milan, on imposa au royaume d’Italie la décision de cent soixante-dix électeurs du duché de Milan, qui prononcèrent la déchéance de Napoléon, et on s’empressa d’envoyer des commissaires au camp des alliés pour faire ratifier la révolution.

Les commissaires qui se rendirent auprès de l’empereur François devaient réclamer : 1° l’indépendance du royaume d’Italie, 2° la plus grande étendue possible du royaume, 3° une monarchie constitutionnelle, 4° un nouveau prince autrichien, 5° et une déclaration tendant à proclamer que la religion catholique, apostolique, romaine, serait désormais la religion de l’état. On fit des promesses, le général autrichien Bellegarde alla à Milan, dirigea la régence, et au bout d’un an la Lombardie n’était plus qu’une province de l’empire autrichien. C’est ainsi qu’une émeute de populace soudoyée par l’aristocratie termina la période napoléonienne. En d’autres termes, le vieux duché de Milan, qui contenait peu près un million d’habitans, s’était insurgé contre le royaume d’Italie, qui avait le tort de ne pas parler