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le pur patois de Milan et d’être quatre fois plus grand. La victoire resta aux partisans des vieilles institutions, et l’antique duché retomba avec ses nobles, ses grandesses d’Espagne et ses dévots, sous le protectorat de la maison d’Autriche. Par là triomphaient les menées du comte Göess et l’agitation de 1809 ; le royaume se trouvait dans le cas de cette petite commune de Crispino qui avait marché en 1806 au-devant des Autrichiens. Napoléon, l’avait punie en lui rendant les autrichiennes, qui substituaient la bastonnade à la prison.

Le prince Eugène Beauharnais avait abandonné le royaume dès l’explosion des troubles de Milan. Murat resta seul à la tête du parti national italien. On sait que son plan, arrêté dès 1810, était de s’emparer de l’Italie, qu’en 1813 il conspirait avec Bentinck, que plus tard il pactisait avec l’Autriche, et qu’en se rapprochant de Napoléon, il n’avait su s’assurer ni l’appui ruineux de la France ni l’appui douteux des alliés. En 1815, il s’avançait dans la Romagne, en proclamant l’indépendance de l’Italie. Que pouvait-il sur les populations ? Obéissant ou rebelle à Napoléon, Murat n’était pour les Italiens qu’un étranger, un lieutenant de l’empereur, et par conséquent il personnifiait la guerre et ses impôts écrasans, ses conscriptions violentes, sa dictature militaire. Murat pouvait-il fortifier sa cause en se présentant comme le défenseur des institutions napoléoniennes ? Ces institutions appartenaient désormais à l’Italie, et personne ne prévoyait qu’on pût les détruire. S’annonçait-il comme protecteur de l’indépendance italienne ? on le traitait de comédien, il était trop évident que cette indépendance se réduisait à la domination du roi de Naples sur toute la péninsule, ce qui ne séduisait personne dans l’Italie centrale. Parlait-il enfin de liberté ? ce mot n’avait de valeur en Italie qu’allié à la constitution de 1812, et Murat la refusait, ne donnait aucun gage et ne faisait aucune concession. Quelques volontaires de la Romagne accoururent seuls sous ses drapeaux ; la Lombardie, déjà soumise à l’Autriche, ne répondit à l’appel que par une conspiration militaire ; Murat fit des prodiges de valeur sur les champs de Macerata, et après avoir couru de faute en faute il perdit son royaume. Le parti de l’indépendance italienne, assassiné à Milan dans la personne du comte Prina, fut achevé à Pizzo dans la personne de Murat.

Avec Murat finit la seconde période de la révolution italienne, période sévère et glorieuse où la réflexion remplace l’enthousiasme et où les succès des armées de la péninsule donnent l’espérance de réaliser le projet de l’unité de l’Italie. Cependant le despotisme impérial avait amorti l’élan démocratique, la guerre avait épuisé toutes les forces : on