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La philosophie du siècle avait tellement pénétré partout, que nous trouvons dans les Actes des Apôtres non-seulement l’empreinte de Voltaire, mais aussi l’apologie de Rousseau. Parfois, aux diatribes plaisantes qui faisaient le fond du recueil, on mêlait des morceaux sérieux. C’est dans un de ces derniers fragmens que Rousseau est défendu avec chaleur. On y soutient qu’il serait injuste d’imputer à l’auteur du Contrat social les fautes de l’assemblée constituante et les excès de la révolution. C’est, au contraire, l’infidélité des nouveaux législateurs aux leçons de liberté, données par Jean-Jacques qui les a précipités dans tant d’écarts. « Quelle éternité prépare-t-on à Rousseau, s’écrie son apologiste, en le faisant passer à la postérité, comme chef d’une révolution de sang et comme fondateur d’un gouvernement absurde ! Et quel est celui qui désirera vivre dans le souvenir des hommes, si le crime peut impunément se couvrir du nom sacré de la vertu, et l’ineptie en délire donner ses rêves pour des arrêts du génie ? » Ainsi, Rousseau était pour des écrivains royalistes une autorité souveraine, tant alors le parti qui combattait l’esprit nouveau marchait au hasard ! Il n’y avait pas du côté des royalistes d’école politique, mais des talons variés suivant des directions souvent contraires. L’unité de doctrines et la conséquence dans les principes étaient plutôt chez les novateurs que chez leurs adversaires.

Il était naturel qu’en face des opinions extrêmes de l’assemblée constituante les royalistes cherchassent à les réfuter en s’autorisant de l’exemple de l’Angleterre. Depuis qu’on avait lu l’admirable esquisse qu’avait tracée Montesquieu de la constitution anglaise, beaucoup d’esprits cultivés et pénétrans s’étaient mis à étudier la pratique que faisaient nos voisins de la liberté, et, sans trop se rendre compte de l’avenir, ils caressaient l’espérance de voir la France un jour s’initier à la vie politique par d’utiles emprunts à l’expérience des Anglais ; mais, commencée par le peuple, la révolution de 1789 ne pouvait, dés les premiers momens, se limiter et se pondérer elle-même, et l’imitation de l’Angleterre fut dédaigneusement repoussée. C’est alors que les royalistes se firent de la constitution anglaise une arme contre les théories exclusivement démocratiques. « Le grand art de la constitution anglaise, sa grande force, écrivait-on dans les Actes des Apôtres, vient de ce qu’on a tellement organisé tous les pouvoirs, qu’ils se balancent au point qu’il est impossible que l’un puisse dominer l’autre. » C’est aussi les yeux fixés sur l’histoire d’Angleterre que Bergasse censurait la constitution nouvelle Dans le Mercure politique, Mallet-Dupan s’était attaché, dès 1788, à démontrer l’excellence du gouvernement