Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/634

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Monarchie selon la charte, qui, dit-il lui a fait prendre rang parmi les publicistes. Assurément cet écrit valait mieux que le triste pamphlet de Buonaparte et des Bourbons : là du moins aux passions les plus vives de son parti l’éloquent royaliste associait des instincts généreux et quelques notions de liberté ; il commençait ainsi la campagne qu’allaient faire l’un contre l’autre le parti de la légitimité et le parti libéral. Le premier eut pour interprète le Conservateur, le second la Minerve. M. de Chateaubriand était à la tête des royalistes ; Benjamin Constant brillait parmi les libéraux : notable lutte de principes et de talens, qui ouvrait une carrière nouvelle à la littérature politique.

Les royalistes n’eurent pas à regretter de s’être essayés à la pratique des institutions nouvelles, tant à la tribune qu’à la presse, car ils durent en partie leur retour au pouvoir à la tactique parlementaire de M. de Villèle et à la plume de M. de Chateaubriand. C’est ici le lieu de parler de quelques intrigues ourdies dans l’ombre. Les chefs du côté droit et même les hommes le plus en faveur auprès du frère de Louis XVIII avaient compris qu’il leur serait impossible de se saisir du gouvernement, s’ils continuaient d’être suspects au roi. Louis XVIII ne les aimait pas ; ils avaient à ses yeux le tort d’être plus royalistes que lui, et de prétendre savoir mieux que le roi comment il fallait affermir la monarchie. Toutefois plusieurs fautes du parti libéral, l’éclat jeté par la presse royaliste, l’attitude de la chambre des pairs qui se montrait effrayée des progrès de l’opinion démocratique, l’âge enfin et des infirmités croissantes, avaient insensiblement modifié les dispositions et l’humeur du roi. Aussi, au milieu de l’été de 1821, le moment fut trouvé favorable pour travailler activement à substituer aux anciennes opinions du roi d’autres opinions, à ses vieilles sympathies d’autres préférences, pour le réconcilier enfin tant avec son frère qu’avec les royalistes les plus éminens. Il se joua alors autour de Louis XVIII une sorte de comédie politique dont les principaux personnages furent M. le vicomte de La Rochefoucauld avait, sous la restauration, une position triomphante. Favori de M. le comte d’Artois, idole du faubourg Saint-Germain, ce jeune seigneur n’arrêtait pas là sa visée : il voulait devenir un homme politique et diriger la monarchie. Il se donna un mouvement infini pour faire monter au pouvoir M. de Villèle, qu’il eut la prétention d’inspirer quand le député de la Haute-Garonne fut devenu président du conseil. M. de La Rochefoucauld ne se proposa aussi rien moins que d’absorber toute la presse au profit de la cause royaliste ; les plus hardis projets ne lui faisaient as peur : malheureusement,