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Il a pour les moindres choses sorties de sa plume une estime singulière. A-t-il eu occasion de s’expliquer devant le jury au sujet de ses opinions, il donne aux paroles qu’il a prononcées une publicité nouvelle et les décore du titre pompeux de discours politiques. Il transporte aussi des colonnes de la Gazette de France dans la collection de ses œuvres les lettres qu’il a imaginé d’écrire soit à de notables personnages comme M. Casimir Périer, M. Dupin aîné, soit aux rédacteurs de quelques journaux. Dans une de ces lettres, il nous donne à entendre qu’il a une mission analogue à celle de Joad que l’attachement aux lois de son pays rend sublime. Si l’on objecte à M. de Genoude que dans de pareilles prétentions il y a peu d’humilité, il vous répond que l’humilité doit être magnanime et non pas sotte et niaise. Aussi M. de Genoude n’a pas la sottise et la niaiserie de pratiquer obscurément des vertus modestes ; il a un bien autre dessein, il se dévoue à l’entreprise de refaire l’unité nationale dans un pays qui a été bouleversé par cinquante ans de révolution. Ne demandez donc plus à M. de Genoude d’être humble : ne vous suffit-il pas qu’il soit magnanime ?

Cependant, pour marcher à un aussi grand but, il faut des forces, il faut des titres. C’est un bagage bien léger pour un chef de parti, pour un général annonçant de tels projets, que quelques articles de journaux, même en y joignant des mélanges littéraires et plusieurs sermons. M. de Genoude l’a reconnu, lui-même, puisqu’aussitôt après son échec électoral il nous a promis la publication d’une histoire de France en vingt volumes. Il a senti le besoin de se recommander au pays par un monument, et s’il ne peut pas encore nous dire comme Horace qu’il l’a élevé, il nous assure fièrement qu’il l’élèvera. Voici sur-le-champ un premier volume : les fondemens de l’édifice ont été posés comme par enchantement ; examinons si la solidité répond à la promptitude de l’exécution.

Associer à une érudition patiemment puisée aux sources un vrai talent d’écrivain et d’artiste, tel est l’engagement que prend celui qui ambitionne de nous raconter d’histoire de France. De nos jours, plusieurs parties de la science historique ont été renouvelées par des esprits de premier ordre ; outre les travaux éminens que nous leur devons, nous possédons en ce moment sur les annales de notre pays deux ouvrages considérables. Une histoire de France a été laissée presque entière par M. de Sismondi, une autre est en voie d’exécution sous la plume de M. Michelet. Nous ne saurions vouloir apprécier en passant deux livres importans qui se font remarquer et aussi valoir l’un l’autre par des qualités contraires ; nous ne les citons ici que pour rappeler au