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dans les manufactures plus de six heures et demie par jour, que ceux qui auront travaillé le matin ne pourront pas travailler l’après-midi, et réciproquement que les enfans occupés dans l’après-midi devront s’être reposés dans la matinée. L’étude des faits conduit en France aux mêmes conclusions. Il faut réduire à six heures et demie la durée légale du travail pour les ouvriers les plus jeunes ; joignez à cela quatre heures passées dans les écoles et dans les exercices gymnastiques, et vous aurez l’emploi le plus rationnel de la journée.

Sans doute, les enfans qui ne travailleront que la moitié du jour ne devront pas recevoir le même salaire, et dans l’état de détresse où vivent habituellement les classes laborieuses, c’est là une considération à peser. Cependant, si l’on pouvait examiner tous les cas individuels, ou arriverait probablement à constater que ce travail excessif et ces salaires élevés des enfans servent bien plus souvent à entretenir la paresse et l’ivrognerie des parens qu’à soulager des infortunes réelles. A Paris et à Rouen, comme à Manchester et comme à Birmingham, il n’est pas rare de rencontrer des ouvriers qui, lorsqu’ils ont trois fils ou trois filles, dans les manufactures, vont faire la sieste au soleil et prennent domicile dans les lieux de débauche. Ils s’appellent cela avoir des rentes, et vivent comme ces petits blancs de l’île de France au dernier siècle, que deux ou trois esclaves nourrissaient de leur industrie.

Au reste, la loi du 22 mars a déjà eu pour effet d’éloigner des manufactures les enfans au-dessous de douze ans, et de les reléguer dans les ateliers d’un ordre inférieur, où on les exploite davantage et pour une plus mince rétribution. La diminution des salaires, pour cette catégorie d’ouvriers, est donc un fait aujourd’hui accompli. En ramenant vers les manufactures, la population des plus jeunes ouvriers, le système des relais n’aura d’autre résultat que de leur procurer, pour six heures et demie de travail, dans les grandes industrie, un salaire au moins égal à celui que l’industrie parcellaire leur accorde pour la journée. J’ajoute que des enfans occupés seulement pendant la moitié du jour, libres de consacrer pendant l’autre moitié quelques heures à leur instruction, acquerront bientôt plus d’intelligence et de vigueur, que l’ouvrage qu’ils feront ira plus vite et sera mieux fait, et que, la qualité du travail s’améliorant, la quotité du salaire devra s’élever. Dans les filatures de Paris, une femme employée à rattacher gagne 20 francs par quinzaine, pendant qu’un rattacheur de dix ou douze ans est payé à raison de 10 francs. Dans les manufactures de papiers peints, entre deux tireurs du même âge, mais d’inégale force, la différence du salaire est souvent de moitié.