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n’a jamais voulu entendre parler de l’honneur que lui font ces travaux, sans le faire partager à l’humble collaborateur qui, dit-il, en a levé, par son énergie et son génie inventif, les principales difficultés. On ne rencontre et ne conserve de pareils subalternes que quand on est digne de les commander.

Ce port, qui peut devoir à l’amélioration des canaux qui s’y rattachent, à celle de la culture locale, à l’ouverture des chemins de fer, une nouvelle ère de pacifique prospérité, ce port serait, pendant une guerre maritime, de nos meilleures places d’armes sur la Manche ; nos plus intrépides corsaires s’y donneraient rendez-vous ; il se couvrirait d’un matériel naval aussi précieux que redoutable, et deviendrait nécessairement l’objet des entreprises incessantes de l’ennemi. Calais possède de vastes fortifications, mais elles n’enveloppent pas le port ; il est en dehors des remparts, et quand les portes sont fermées, tout est en sûreté, hors ce qu’il faudrait garder. La place est forte ; son véritable arsenal est à côté. Le port est parallèle aux remparts du nord ; une batterie ennemie placée à l’ouest l’enfilerait, sans aucun obstacle, dans toute sa longueur, et battrait nos vaisseaux comme en rase campagne, moins sûrement pourtant que notre propre artillerie, qui ne pourrait tirer du front sous lequel ils seraient placés qu’au travers de leur mâture. Dans son isolement actuel, le fort Risban, placé près de l’écluse de chasse, empêcherait difficilement une poignée de hardis mineurs, qu’un bateau à vapeur, jetterait la nuit sur la côte, de venir faire sauter cette écluse, qui maintient les inondations dont la place se couvre à l’ouest, ou d’incendier les bâtimens qui garniraient le port.

Le front de la place qui regarde la mer est aujourd’hui tel que l’a fait établir le cardinal de Richelieu ; il était de son temps suffisant et bien entendu. Quand le cardinal devint en 1616 secrétaire d’état de la guerre, il n’y avait que cinquante-huit ans que les Anglais avaient été chassés de Calais, après l’avoir possédé deux cent onze ans ; la France et l’Angleterre se faisaient alors la guerre sur le continent plutôt que sur mer, et le but était atteint du moment où un point territorial toujours menacé était mis en sûreté. Calais n’a plus aujourd’hui d’importance militaire que comme place maritime : ce n’est pas à ses murailles, à son sol qu’en voudraient les Anglais, mais bien aux moyens d’agression contre leur marine qu’elle renfermerait. Ce sont ces objets de leurs attaques qu’il faut défendre, et dans des circonstances analogues, le grand cardinal, dont on peut proposer l’exemple aux ministres