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recueillies, et c’est pour cela que je me permets de consigner ici celle que je lui ai entendu attribuer.

La perfection de l’artillerie anglaise est connue ; elle se multiplie par sa mobilité, et il n’en est aucune au monde qui l’emporte à cet égard sur elle.

Le génie est à peu près réduit à l’état-major : il n’a de troupes que quelques compagnies d’ouvriers d’art fort bien payées.

Dans son ensemble, la constitution, de l’armée anglaise est admirablement appropriée à l’état social du pays, à la force de sa population, celle de ses finances. Avec sa condition insulaire, l’Angleterre n’est jamais engagée dans les querelles du continent qu’autant qu’il convient aux intérêts anglais ; elle est toujours à temps de s’en retirer, après y avoir compromis et ses rivaux et même les alliés qu’elle craint de voir trop en état de se passer d’elle. Attentive à n’appauvrir sa marine, qui est son meilleur instrument de domination, d’aucune des ressources qui lui sont nécessaires en hommes ou en argent, elle a limité la force de son armée de terre à ce qu’il en faut pour atteindre ce qu’elle peut raisonnablement se proposer, ni trop ni trop peu. Sachant la différence entre la bonne infanterie et la médiocre, elle a surtout fait preuve de sagesse en donnant à cette arme toute la perfection dont elle est susceptible, et s’est ainsi dispensée de donner un développement abusif à des armes spéciales beaucoup plus coûteuses, moins efficaces, et, chose importante pour une nation qui ne fait la guerre que hors de chez elle, plus embarrassantes à transporter. C’est aujourd’hui dans l’armée anglaise comme il y a dix-huit cents ans parmi les Bretons de Galgacus : In pedite robur[1].

Son administration militaire est fort simple, et cela tient principalement à ce que peu de fournitures se font en nature ; le mode d’abonnement est fort usité, et l’on s’en remet la plupart du temps à la troupe sur l’emploi des fonds qui lui sont livrés. Ce régime a sans doute des inconvéniens, mais ses avantages pratiques ne permettent pas de le condamner légèrement.

L’opinion que, dans la force militaire de la Grande-Bretagne, il n’y a de bons emprunts à faire qu’à la marine est assez répandue partout ailleurs que dans notre artillerie. Je la crois complètement erronée. Les Anglais ont porté dans l’organisation de leur armée de terre le bon sens pratique qui les sert si bien dans leur industrie, leur agriculture, leur navigation, et qui, dans cette organisation, frappe

  1. Tac., Agricola, XII.