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une place demi-circulaire formée de bâtimens à façades symétriques. De tous côtés, on voit des divisions de terrains préparées à recevoir des villas jouissant de vues également agréables sur la terre et sur la mer. Leurs heureux habitans seront à trois heures de Londres, à neuf de Paris, et pourront à leur gré aller déjeuner dans West End ou dîner sur le boulevard des Italiens. Folkstone et ses environs appartiennent à lord Radnor, et nul ne peut y bâtir sans lui. Il paraît se prêter de bonne grace à une transformation qui va quadrupler au moins les revenus de son fief. Son intendant a multiplié tout autour de la ville les écriteaux portant offre de concessions de terrains moyennant une rente, et à charge de retour avec les constructions au bout de quatre-vingt-dix-neuf ans ; c’est un mode de jouissance fort usité en Angleterre, et il y a trente ans, personne n’eût songé à le discuter : on dit que ces offres sont aujourd’hui reçues avec quelque froideur, et qu’on demande des ventes pures et simples, comme celles qui se font de l’autre côté du détroit. Le peuple anglais semble aspirer à la propriété foncière, qui est encore le privilège de son aristocratie. Rien ne serait plus sage et plus rassurant pour l’avenir de l’Angleterre que la satisfaction graduelle de ce vœu : un jour viendra, si l’aristocratie n’y prend garde, où la propriété, telle qu’elle est constituée, n’aura pas assez de défenseurs ; il est temps d’augmenter le nombre de ceux-ci, de rendre la propriété du sol moins inaccessible aux masses, et de prévenir, par la perspective d’une admission équitable et régulière à cette jouissance, les dangers de l’impétuosité de leurs vœux.

Peu de Français ont vu Folkstone, et les échappés des pontons d’Angleterre qui ont pu autrefois y confier leur liberté à l’aventureuse cupidité d’un smoggler aurait aujourd’hui peine à s’y reconnaître. Bientôt la transformation sera complète, et l’une des plus gracieuses villes de l’Angleterre sera assise en face de Boulogne. La multiplicité des communications entre Paris et Londres nous la rendra bientôt familière ; d’un autre côté, les efforts heureux qu’a faits la compagnie du chemin de fer pour attirer dans le port les houilles de Newcastle feront que beaucoup d’affaires, pour lesquelles on allait jusqu’à présent dans cette ville ou à Londres, se traiteront à Folkstone ; il y a donc double raison pour que nous y ayons un agent consulaire. Cette nécessité est comprise au ministère des affaires étrangères, et il paraît qu’il y sera bientôt pourvu.

J’ai eu besoin de beaucoup de force de volonté pour tenir à la résolution que j’avais prise de ne me laisser détourner par aucune séduction du but restreint de mon voyage, et ne pas accompagner à