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du port, l’établissement du chemin de fer, doivent l’accélérer encore. Ces accroissemens ne sont point obtenus aux dépens des campagnes environnantes ; de 1826 à 1841, la population des communes rurales du canton a passé de 5,137 ames à 7,967, et celle de l’arrondissement de 92,317 à 113,143. Ainsi, dans ces quinze années, l’une a gagné 55 pour cent, l’autre 22. Au dénombrement de 1801, l’arrondissement ne comptait que 66,588 habitans ; il a presque doublé en quarante années. A la population fixe s’ajoute, dans la ville, une masse flottante qui pourrait se mesurer à la quantité d’hôtels et de maisons garnies qu’elle renferme, aux capitaux qu’emploie l’art d’héberger les étrangers, aux fortunes qu’il accumule. Le mouvement régulier s’accroît, pendant la belle saison, par l’usage plus répandu d’année en année des bains de mer, pour lesquels la ville possède un fort bel établissement, et par l’habitude de beaucoup de familles anglaises d’y venir en villegiatura.

Les économistes du pays remarquent qu’il résulte de cet état de choses une consommation équivalente à celle de beaucoup de villes de 50,000 ames, et que l’agriculture n’a pas encore pris, dans le rayon d’approvisionnement, un essor proportionné au débouché qui lui est ouvert. La nature des objets qui lui sont demandés, les besoins et même les conseils et les capitaux des Anglais qui se fixent à demi dans le pays, doivent néanmoins l’élever à un haut degré de perfection. La réaction de cette prospérité locale s’étend fort au-delà des limites du département du Pas-de-Calais, et si les vinicoles tenaient un compte impartial des vicissitudes de leur industrie, ils avoueraient que la ville de Boulogne dédommage à elle seule la Champagne et Bordeaux des mauvais procédés de plusieurs petits états du nord de l’Europe. Aux Anglais, il faut être juste, revient la part principale dans cet honneur.

Le nombre d’Anglais qui se trouve à Boulogne ou dans les environs flotte entre trois et quatre mille. Les uns ne font que traverser le pays ; d’autres y font de courts séjours, satisfaisant, au meilleur marché possible, ce besoin de fouler le sol du continent qui tourmente tout enfant de la Grande-Bretagne : on vient de Londres en partie de plaisir à Boulogne ; et c’est ainsi qu’au début de son service, la compagnie du chemin de fer du sud-est a procuré, à moitié prix, à un millier de commis de boutique de la Cité, la satisfaction de passer un dimanche en France. Quelques-uns viennent chercher un refuge contre les exigences du fisc et, si j’ose le dire, de leurs créanciers ; mais les plus nombreux de beaucoup appartiennent à d’honnêtes familles de fortunes médiocres, qui vivraient de privations en Angleterre, et trouvent à se procurer, chez nous, toutes les aisances de la vie de province. Ces familles forment une colonie qui n’est pas sans