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De ces enfans, les uns reçoivent sur notre sol une éducation toute britannique ; l’élève et le maître nous sont également étrangers : les autres entendent les mêmes leçons que nos enfans, parlent le même langage, s’imprègnent des mêmes idées. Ceux qui recherchent particulièrement l’éducation ecclésiastique, Irlandais, la plupart, ont, comme co-religionnaires et comme opprimés, des droits particuliers à nos sympathies ; les plus nombreux adoptent, sans acception de sectes, notre instruction universitaire.

A Dieu ne plaise que la moindre gêne soit jamais imposée aux familles anglaises qui, confiantes dans notre hospitalité, font donner en commun, au milieu de nous, à leurs enfans, l’éducation qu’ils recevraient dans leur pays ! Il suffit pour, la police de l’état que ces institutions étrangères ne puissent admettre que des Anglais ; à cette condition, nous n’avons point à nous occuper de leur régime, et nous leur devons, dans cette limite, une liberté d’autant plus entière, que jamais aucun pensionnat anglican ne devra obtenir en France le caractère d’établissement public. En Angleterre comme en Russie, la religion, toujours subordonnée à la politique, est souvent, réduite vis-à-vis d’elle au rôle d’instrument ; quand le missionnaire anglican ou le pope russe font une conversion, il font un sujet anglais ou russe, et la profession de leurs dogmes est un acte de suzeraineté qui n’est à sa place que parmi les nationaux.

Quant aux familles anglaises qui acceptent pour leurs enfans l’éducation des nôtres, il est d’une bonne politique d’élargir pour elles l’accès de nos établissemens. Les liens qui unissent deux grandes nations sont quelquefois resserrés par des affections, de personnes, et il n’en est pas de plus durables que celles qui se contractent dans l’enfance ; mais c’est là le petit côté de la question, et ce qui se passe à Boulogne a une autre portée. Ecclésiastiques ou autres, les collèges de Boulogne sont des collèges de propagande française : les jeunes Anglais y sucent ces principes de la révolution française qui sont destinés à faire le tour du monde, et ils les reporteront au milieu de leurs compatriotes. L’aristocratie anglaise pourra perdre à cette propagation le profit de quelques abus ; mais le peuple anglais y gagnera beaucoup, et la paix du monde y gagnera davantage. Depuis cinquante ans, nos guerres avec nos voisins ont surtout tenu à ce que l’Angleterre est restée le pays du privilège, tandis que la France devenait celui du droit : que les principes se rapprochent, et ce qui n’est qu’une paix armée pourra devenir une alliance cordiale.

Dans de pareilles circonstances, la mission de l’instruction secondaire s’élève, s’agrandit, et le gouvernement lui doit une organisation