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d’art et de réflexion appliquée à des souvenirs encore tout brûlans et à des émotions toutes naturelles, est ce qui a fait de ce dernier livre de Parny son chef d’œuvre, la production qu’il n’a plus jamais surpassée ni égalée.

Au début de ses élégies, Parny n’est que le poète de l’éveil des sens et de la puberté, de cet âge et surtout de ces climats

Où l’amour sans pudeur n’est pas sans innocence.


Il est le poète de dix-huit ans, non de vingt-cinq. Ce n’est que lorsqu’il avancé et que la douleur l’éprouve à son tour, qu’il s’élève par degrés et qu’il rencontre de ces accens dont toute ame sensible peut se ressouvenir, à tout âge, sans rougeur. Lamartine, c’est-à-dire le grand élégiaque qui a détrôné Parny, sait encore par cœur cette élégie désespérée :

J’ai cherché dans l’absence un remède à mes maux ;
J’ai fui les lieux charmans qu’embellit l’infidèle.
Caché dans ces forêts dont l’ombre est éternelle,
J’ai trouvé le silence, et jamais le repos.
Par les sombres détours, d’une route inconnue
J’arrive sur ces monts qui divisent la nue ;
De quel étonnement tous mes sens sont frappés !
Quel calme ! quels objets ! quelle immense étendue !…


On le voit, la douleur a rendu Parny sensible à la grande nature ; pour la première fois, peut-être, il gravit la ravine du Bernica, et visite les sommets volcanisés de l’île ; il s’écrie :

Le volcan dans sa course a dévoré ces champs ;
La pierre calcinée atteste son passage.
L’arbre y croît avec peine ; et l’oiseau par ses chants.