Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/841

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucune difficulté de reconnaître qu’il développe en cette carrière nouvelle plusieurs des qualités épiques, un art véritable de composition, des agrémens de conteur, et qu’il y rencontre, dans le genre gracieux, bien des peintures fines et molles, telles qu’on peut les attendre de lui : l’épisode, de Thaïs et Élinin a mérité d’être extrait du poème dont il fait partie et de trouver place dans les Œuvres choisies, où, ainsi détaché, il peut paraître comme un malicieux fabliau.

Le grand écueil des élégiaques qui vieillissent (et Parny y a donné en plein dans ses divers poèmes irréligieux), c’est de ne savoir pas rompre avec l’image séduisante qui revient de plus en plus chère, bien que de jour en jour plus fanée. L’imagination n’était que voluptueuse dans la jeunesse ; elle court risque, en insistant, de devenir licencieuse, si de graves pensées nées à temps ne l’enchaînent pas. La seconde manière de Parny est comme une preuve perpétuelle de ce triste progrès, et on aurait peut-être, depuis lui, à citer encore d’autres exemples.

Parny, au reste (et ceci achève le tableau), ne parait pas s’être douté, sous le Directoire, de l’excès d’orgie d’alentour et de l’énormité du scandale dont lui-même il pouvait dire si présentement : Pars magna… Dans un Hymne pour la Fête de la Jeunesse, qu’il composait au printemps de l’an VII, il faisait chanter à de jeunes garçons :

Loin de nous les leçons timides,
Loin de nous les leçons perfides
Et les vils préjugés que la France a vaincus !
Levons notre tête affranchie,
Et que le printemps de la vie
S’embellisse toujours du printemps des vertus[1] !


L’illusion, on le voit, et l’oubli de l’ivresse étaient poussés un peu loin ; le réveil pourtant se préparait.

Au lendemain de l’apparition de la Guerre des Dieux, une place se trouvait vacante à l’Institut ; il s’agissait de remplacer Delille qui s’était obstiné, un peu tard, à émigrer. Parny arrivait sur les rangs et en première ligne ; mais le délire d’imagination auquel il venait de se livrer lui fit perdre des suffrages, et l’aimable Legouvé l’emporta sur lui. Ce ne fut que quelques années après, en 1803, que Parny eut le fauteuil, en remplacement de M. Devaisnes. Sa réception, qui eut lieu le 6 nivôse an XII (28 décembre 1803), fut un évènement. La

  1. Décade an VII, troisième trimestre, page 97, côte à côte avec un fragment des Quatre Métamorphoses.