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propre bureau. Il n’est sans doute plus temps. Cependant je m’adresse à vous, sinon avec espoir, du moins avec confiance. Le travail des bureaux ne m’est point étranger : j’ai exercé pendant treize mois un emploi dans ceux de l’Intérieur, et je ne me chargeais pas des choses les plus faciles. Je suis toujours tout entier à ce que je fais : peut-être même trop, car ma santé en souffre quelquefois.

« Agréez, monsieur le directeur, mes salutations respectueuses.

« Paris, le 30 messidor[1].

« Evte. PARNY.

« Rue de Provence, 32 »

Cette lettre ne put être publiée du vivant de Français (de Nantes) ; un sentiment de délicatesse, que l’on conçoit de sa part, répugnait à la livrer « et puis il ne faut pas, répondait-il agréablement, qu’en parodiant le vers de Boileau on puisse dire :

« Parny buvait de l’eau quand il chantait les Dieux ! »


Mais pourquoi n’oserait-on pas tout révéler aujourd’hui que vous n’êtes plus ô homme excellent, si l’on s’empresse d’ajouter que le poète vous dut ces soins d’une grace parfaite, ces attentions du cœur qui ne se séparaient pas du bienfait, et si l’on remarque à l’honneur de tous deux, comme l’a très-bien dit M, Tissot, que l’un garda toujours dans ses éloges la même pudeur que l’autre dans ses services ?

Parny avait contracté, à la fin de 1802, un mariage qui le rendit, durant ses dernières années, aussi heureux qu’on peut l’être quand le grand et suprême bonheur s’est enfui. La personne qui se consacra à charmer ainsi ennuis et à consoler ses regrets était une créole aimable, déjà mère de plusieurs enfans d’un premier mariage : le douceur de la famille commença au complet pour Parny. On raconte que, quelques années auparavant, celle qui avait été Eléonore, devenue veuve et libre, et restée naïve, avait écrit de Bourbon à son chantre passionné pour lui offrir sa main ; mais il était trop tard, et Parny ne laissa échapper que ce mot : « Non, non, ce n’est plus Eléonore » — Celle-ci alors, selon la chronique désormais certaine et très positive, se remaria, vint en France, habita et mourut en Bretagne, et l’on se souvient d’elle encore à Quimper-Corentin.

Les dernières années de Parny ne furent point oisives, et dans sa retraite, il continua de se jouer à des compositions d’assez longue haleine.

  1. La date de l’année doit être 1804, c’est-à-dire l’année de la formation des droits-réunis