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« Bats le tambour et n’aie pas peur, et embrasse la vivandière. C’est là toute la science, c’est le sens le plus profond des livres.

« Tambourine les gens hors de leur sommeil. Tambourine le réveil avec une vigueur juvénile ; marche en tambourinant toujours en avant, c’est là toute la science.

« C’est là la philosophie de Hegel, c’est le sens le plus profond des livres ; je l’ai comprise parce que j’ai de l’esprit et parce que je suis un bon tambour. »


Puis l’auteur comme une narration grotesque et poétique tout à la fois de son voyage en Allemagne. La première apparition qui lui révèle la patrie, c’est, au moment où il passe la frontière, une petite joueuse de harpe qui chante avec un sentiment vrai et une voix fausse, dit-il, une histoire d’amour et de douleur, de renoncement ici-bas dans cette vallée de larmes, et de réunion dans un meilleur monde, dans le ciel ou l’ame nagera au sein des félicités éternelles.


« O mes amis ! s’écrie le poète, moi, je vous chanterai une chanson plus nouvelle et plus agréable. Je vous chanterai le bonheur sur la terre, car il y a ici-bas assez de pain, de roses, de myrtes, de beauté et de plaisir pour tous les enfans des hommes.

« La vierge Europe est fiancée au beau génie de la liberté ; ils se tiennent enlacés dans l’ardeur d’un premier baiser.

« Et je chante le cantique des noces. »


Un instant, le poète semble vouloir se monter au ton enthousiaste, s’élever dans les régions idéales, mais aussitôt il revient à la réalité burlesque et nous raconte que, pendant qu’il écoutait la petite joueuse de harpe (faut-il supposer à M. Henri Heine l’intention de parodier la Mignon de Goethe ?), les douaniers prussiens visitent ses malles et ses coffres ; son voisin de diligence lui fait observer avec beaucoup de sagacité que l’Allemagne marche à une unité imposante : à l’unité matérielle par le Zollverein et à l’unité morale par la censure.

Arrivé à Cologne, il voit aux clartés de la lune le gigantesque colosse de la cathédrale, cette bastille que les catholiques romains voulaient construire pour y tenir l’intelligence captive, quand Luther est venu et a crié d’une voix de tonnerre son halte énergique, mot tout puissant, dit le poète, expression de la force allemande et de la mission du protestantisme. Le Rhin demande à M. Heine des nouvelles de la France ; il se plaint amèrement des vers de Nicolas Becker qui l’ont politiquement compromis ; il voudrait bien revoir, dit-il, ces chers petits Français