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tant qu’il s’était agi uniquement de ruiner les, espérances de M. Van Buren contre qui il avait des représailles à exercer : maintenant que, par la chute de son ennemi, son ressentiment était satisfait, M. Calhoun songeait bien plus aux intérêts généraux du parti démocratique qu’à ceux de M. Tyler ; il voyait très bien que, si le parti démocratique pouvait espérer de se sauver, c’était avec M. Polk bien plus qu’avec M. Tyler. Connaissant M. Polk comme un homme honorable, mais médiocre, il n’ignorait pas que son influence, son expérience des affaires et ses talens, seraient nécessaires à celui-ci aussi bien qu’au président actuel. M. Calhoun, en soutenant obstinément M. Tyler, aurait donc ruiné, et son parti et sa propre position ; il n’était point homme à commettre pareille faute. Les autres chefs de l’administration ne dissimulèrent pas non plus leurs sympathies pour M. Polk ; et M. Tyler, abandonné même de ses subordonnés, vit ses chances diminuer de jour en jour. Il prit alors son parti, et, par un manifeste, rendit public son désistement. Ce document est trop long et trop insignifiant pour que nous en donnions même une analyse. M. Tyler cherche surtout à se justifier du reproche qui lui a été souvent fait d’avoir abandonné le parti whig après avoir été porté au pouvoir par lui. Il proteste que, dans le traité d’annexion, il n’a eu en vue que le bien du pays, et se répand en plaintes amères contre les whigs et M. Clay. Après la retraite de M. Tyler, rien ne s’opposait plus à ce que l’union se rétablît entre toutes les fractions des démocrates, et M. Polk devint le candidat avoué du parti.

Pendant que les démocrates, à l’approche du danger, serraient leurs rangs et concentraient toutes leurs forces, les whigs, enivrés de l’espoir du triomphe, se désorganisaient et compromettaient, comme à plaisir, leurs chances de succès. M. Clay, qui avait cherché autrefois à acquérir le Texas pour les États-Unis, n’était pas et ne pouvait pas être un adversaire absolu de l’annexion il avait donc grand soin d’en admettre le principe, d’indiquer même le moyen de l’accomplir un jour, tout en y mettant assez de conditions pour rassurer les adversaires les plus acharnés de cette mesure. De cette façon, il n’engageait en rien l’avenir, et il se conciliait tous les esprits irrésolus, ennemis des mesures trop décisives ; mais une partie des whigs trouva M. Clay trop timide, et demanda la condamnation pure et simple du principe de l’annexion. On remit même sur le tapis les anciennes idées du parti et les plus impopulaires, jusqu’à celle d’une banque nationale. On fit tout, en un mot, pour irriter des adversaires puissans et habiles, et pour détacher de soi tous les indifférens, tous les gens timides et indécis. L’un des chefs des whigs était destiné à leur faire le plus grand tort : c’était M. Webster, l’orateur le plus brillant du parti, homme d’état habile, mais que des affaires dérangées, des dettes pressantes, ont entraîné à des actes peu honorables. Lorsque M. Tyler, arrivé au pouvoir, fit brusquement volte-face, et passa des whigs aux démocrates, M. Webster, à qui ses besoins pécuniaires rendaient indispensable, sa position de secrétaire d’état, resta aux affaires, tandis que ses amis les quittaient ; et s’il abandonna plus tard son poste,