Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un évènement fort important. Elle aura pour première conséquence un temps d’arrêt dans le développement de l’agitation abolitionniste. C’est grace à l’appui et au concours actif des whigs que les abolitionnistes ont vu leurs associations se multiplier et s’étendre sur une grande partie de l’Union, malgré les plaintes énergiques des états du sud et l’opposition, du parti démocratique. En échange de huit années de protection, ils viennent de faire échouer la candidature de M. Clay. On peut être certain que les whigs leur feront payer cher cette défection ; en effet, les états de la Nouvelle-Angleterre, où les whigs sont tout-puissans, ont toujours été le centre de l’agitation abolitionniste ; ce sont eux qui ont envoyé et soutenu les premiers missionnaires c’est avec leur argent qu’ont été fondés et alimentés ces journaux de New-York et de Philadelphie qui ont fait si rude guerre à M. Clay. Les whigs ont annoncé l’intention de se venger, et ils en ont le pouvoir. Les abolitionnistes ne seront pas mieux traités par la nouvelle administration, qui doit son succès à la position qu’ils ont prise. Les démocrates ont toujours été les adversaires les plus acharnés de l’abolition, et, sans la résistance des whigs, ils auraient depuis long-temps mis fin, par les mesures les plus arbitraires, à la propagande abolitionniste. En annonçant la nomination de M. Polk, la presse démocratique de New-York répétait à l’envi que le premier devoir de l’administration nouvelle était de calmer l’inimitié toujours prête à éclater entre le sud et le nord, et que pour cela il était urgent de faire disparaître les légitimes motifs d’inquiétude que les abolitionnistes donnaient aux états du sud. Si donc les whigs n’interviennent en faveur d’alliés perfides, on peut être certain que des mesures énergiques seront prises par les démocrates pour rassurer les propriétaires d’esclaves.

L’élection de M. Polk entraînera la transformation du parti whig ; elle met fin à la carrière politique de M. Clay. C’est le troisième échec de celui-ci, et on peut être certain qu’il ne se présentera plus aux suffrages du peuple. Les partis aux États-Unis n’essaient point de lutter contre la majorité : quand un homme ou une idée ont été trop évidemment condamnés par la masse le la population, on n’hésite point à en faire le sacrifice, et à transporter la lutte sur un autre terrain. Le parti se transforme, change de nom ; il prend pour drapeau une idée plausible à laquelle il puisse espérer de rallier la majorité, et un homme en qui il personnifie cette idée. Ce n’est pas qu’il répudie ses anciennes idées, mais il ne les met plus qu’au second rang, et il les subordonne à l’idée nouvelle qui lui sert de programme. C’est ainsi qu’au parti fédéraliste et à M. Adams ont succédé les whigs et M. Clay, pour qui le rétablissement d’une banque nationale ne venait plus qu’en seconde ou en troisième ligne. De même le nouveau parti qui va remplacer les whigs et qui prend déjà le nom de national républicain regardera toujours comme choses fort importantes la défense du tarif et le maintien de la loi sur le revenu des terres publiques, mais ce ne sera point avec ces deux idées qu’il essaiera de conquérir la majorité. Les whigs s’étaient déclarés pour les natifs contre les étrangers, et ceux-ci ont décidé leur défaite. Les whigs se