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de ce cloître les arcades sont ruinées, mais le mur qui les soutenait subsiste encore : c’est un beau mur crénelé, d’une conservation parfaite et sur lequel on voit courir une frise de feuillages admirablement sculptés et refouillés. Si nous cherchions les effets pittoresques, nous nous arrêterions dans les ruines de ce cloître au milieu de ces beaux débris de sculptures et en face de ces créneaux qui donnent à cette sainte demeure comme un dernier reflet de son ancienne domination temporelle et féodale.

Au sortir du cloître, on aperçoit la sacristie, percée de quatre grandes ogives moins riches que celles de la salle du chapitre, mais d’une courbe élégante et d’un heureux dessin ; puis enfin, nous devant le chevet de l’église ; il se compose de deux rangs de terrasses, s’élevant comme de vastes gradins autour de l’apside et se reliant à elle par deux séries d’arcs-bottans superposés. Cet ensemble produirait un admirable effet, s’il n’avait été déshonoré par les barbaries du dernier siècle. Au lieu de restaurer les anciens arcs-boutans, on leur a substitué des contre-forts concaves et chantournés, surmontés de vases à parfums d’où s’échappent de soi-disant flammes dont l’agitation immobile produit la sensation la plus désagréable. Ce sont là les folies où tombe la sculpture toutes les fois qu’elle oublie que son domaine a des limites qu’elle ne peut impunément franchir.

Des deux côtés du chevet, en se dirigeant vers les transsepts, on aperçoit deux portes dont les sculptures ont subi de grandes mutilations ; l’une, celle du côté du nord, connue sous le nom de porte Saint-Pierre, est précédée d’un porche qui l’a en partie protégée contre les injures du temps et des hommes. Les statues et les ornemens du soubassement ont seuls complètement disparu : les chapiteaux et les archivoltes, au contraire, sont en assez bon état ; mais les sculptures dont on les a brodées affectent un goût tourmenté, tournoyant et indécis, dont on ne voit pas d’exemple dans la belle époque romano-bysantine, et qu’on rencontre rarement même dans sa décadence. C’est un luxe de rinceaux et de volutes qui, à force de se contourner, passent subitement de la maigreur à l’enflure : de telles sculptures ont l’air d’pere estampées plutôt que taillées et ciselées ; elles donnent à la pierre l’aspect du plâtre et du carton, et semblent appartenir à la famille de ces ornemens que les raffinemens de la mode firent éclore il y a un siècle environ. L’autre porte, qu’on nomme la porte Sainte-Eutrope, quoique beaucoup plus mutilée, conserve les traces d’un goût plus sobre et plus pur. On remarque à droite et à gauche deux petits groupes sculptés en saillie sur la pierre, dont il est