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en 1131, et que, dans le monument actuel, tout est postérieur à cette époque, ne doit-elle pas nous forcer de croire qu’après 1293 une reconstruction complète fut également nécessaire, et qu’en conséquence l’église Notre-Dame ne date ni du milieu ni de la fin du XIIe siècle, mais bien des dernières années du XIIIe, ou même du commencement du XIVe ?

La conclusion paraît rigoureuse, et cependant elle est inadmissible : pourquoi ? Parce qu’il est un témoin qui nous défend d’y croire, témoin plus véridique et que les archives de Longpont et que toutes les traditions écrites, c’est à savoir le monument lui-même. Il nous dit clairement qu’il n’est pas d’origine aussi récente : ce plan, ces profils, ces détails de sculpture, vous ne les retrouverez dans aucun monument construit soit au commencement du XIVe siècle, soit même vers la fin du XIIIe. Il faudrait supposer que ceux qui bâtirent cette église se seraient amusés à oublier les usages de leur temps pour ressusciter ceux d’un siècle passé. Comme si cette façon d’emprunter les modes d’une autre époque, ce goût rétrospectif, comme on dit aujourd’hui, n’étaient pas d’invention toute moderne, comme si jamais nos pères avaient connu pareils raffinemens.

Ainsi, malgré le témoignage de toutes les chroniques, la cathédrale de Noyon ne peut pas être postérieure à 1293. L’incendie de cette année, quelle qu’ait été sa violence, n’a endommagé que partiellement l’édifice ; la masse a résisté aux flammes : c’est chose prouvée pour nous, sous peine de nier toutes les observations, d’abolir toutes les règles aujourd’hui consacrées par la science.

Mais que parlons-nous de science ? existe-t-il réellement une science en pareille matière ? ne voyons-nous pas des hommes, qui passent à bon droit pour doctes et profonds, sourire de pitié à l’idée qu’on puisse découvrir une règle, une loi quelconque pour classer chronologiquement les monumens du moyen-âge ?

Ce dédain est-il fondé ? S’il est vrai que les œuvres de certains siècles soient encore entourées d’une grande obscurité, n’y a-t-il pas d’autres époques du moyen-âge où la clarté est déjà vive et complète ? Les hommes qui se livrent à ces études nouvelles ne se nourrissent-ils que de chimères, ou bien ont-ils obtenu des résultats sérieux ? Qu’ont- ils trouvé jusqu’ici ? Qu’ont-ils encore à faire ? Ces questions valent la peine d’être éclaircies.

Qu’il nous soit donc permis de les examiner avec quelque détail.