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il en est donc toutes les arcades, toutes les ouvertures, se terminent en pointe, en ogive, tandis que, dans d’autres, le plein cintre règne exclusivement, et que, chez quelques-uns enfin, on remarque simultanément le plein, cintre et l’ogive ?

Ces distinctions n’étaient-elles que fortuites, ou bien constituaient-elles des différences essentielles dans l’origine et la nature de ces trois sortes de monumens ? les uns et les autres pouvaient-ils être contemporains, ou bien devait-on nécessairement les attribuer à des époques distinctes ? Pour résoudre ces questions, il fallut recourir au témoignage des monumens écrits, et lorsque, après des expériences maintes fois répétées, après des vérifications sans nombre, il fut toujours reconnu que les monumens à plein cintre n’apparaissaient plus au-delà d’une certaine époque, que les monumens à ogive, au contraire, ne commençaient à paraître qu’à partir d’une autre époque, et que les monumens mixtes semblaient appartenir aux années intermédiaires, il fut permis sans doute de constater ce premier résultat comme une preuve évidente qu’il y avait là une science possible.

Ce n’était qu’un premier pas ; mais bientôt, en faisant pénétrer l’analyse dans ces trois grandes classes de monumens, on reconnut que chacune d’elles, prise à part, pouvait être subdivisée, et que les signes indicateurs de ces subdivisions, bien qu’ils fussent plus ou moins distincts, n’avaient rien d’arbitraire ni d’accidentel. En un mot, ces premiers essais, quelque incomplets qu’ils fussent, posèrent les bases d’une classification générale : on commença à voir clair dans ces dix siècles de ténèbres ; les monumens de chaque espèce se trouvèrent groupés à peu près à leur rang dans l’ordre chronologique, et enfin, ce qui n’est pas moins nécessaire, on entreprit de fixer leurs rapports géographiques, c’est-à-dire les différences qui les distinguent, non plus de siècle à siècle dans le même lieu, mais de pays à pays dans le même moment.

En effet, pour connaître l’histoire d’un art, ce n’est pas assez de déterminer les diverses périodes qu’il a parcourues dans un lieu donné, il faut suivre sa marche dans tous les lieux où il s’est produit, indiquer les variétés de forme qu’il y a successivement revêtues, et dresser le tableau comparatif de toutes ces variétés, en mettant en regard, non-seulement chaque nation, mais chaque province d’un même pays. Ainsi, par exemple, on ne connaît pas l’architecture grecque, si l’on se borne à étudier les différens styles qui successivement brillèrent à Athènes : il faut se transporter à Égine, à Sycione, en