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elles le sang ne circulait dans des vaisseaux fermés qu’à la partie antérieure du corps, qu’en arrière ces vaisseaux manquaient, et que le fluide nourricier s’épanchait librement dans la cavité viscérale ; mais les ascidies se trouvant reléguées par leur organisation aux derniers rangs des mollusques, on n’avait vu dans cette disposition remarquable qu’un fait de dégradation organique Enfin MM. Valenciennes et Richard Owen avaient trouvé une disposition anatomique analogue à celle de l’aplysie dans l’animal du nautile, de cette coquille en spirale qui, dépouillée de son enveloppe terne et montrant alors sa nacre brillante souvent sculptée, est un des ornemens habituels des cabinets de curiosité.

Dans une série de mémoires et de communications adressées à l’Académie des Sciences, nous avions nous-même cherché à faire connaître en détail l’organisation d’un groupe de mollusques jusqu’à ce jour confondu avec les groupes voisins. On peut se les figurer comme de petites limaces souvent décorées des plus vives couleurs et portant sur leur dos des baguettes de forme variée disposées d’une manière régulière. M. Milne Edwards avait signalé chez l’un d’eux un fait anatomique très curieux : c’est que l’intestin, au lieu de former un simple tube comme chez les autres animaux de cet embranchement, se ramifiait et envoyait des prolongemens jusque dans l’intérieur des appendices du dos. En reprenant les observations du savant naturaliste que je viens de nommer, nous reconnûmes en outre que l’appareil circulatoire était incomplet. Chez les uns, nous trouvâmes un cœur, des artères, mais point de veines ; chez d’autres, nous ne pûmes découvrir même aucun organe circulatoire ; chez tous, nous vîmes le sang s’épancher librement dans la cavité générale du corps et baigner en tout sens les viscères qu’elle renfermait. La plupart de ces faits étaient faciles à vérifier pour quiconque aurait eu l’habitude des recherches microscopiques et aurait pris la peine d’aller faire des observations sur le bord de la mer ; mais ils blessaient profondément les idées reçues, car ces mollusques appartenaient à un des groupes les plus élevés en organisation de l’embranchement. Aussi furent-ils accueillis avec fort peu de faveur, et bien des personnes allèrent jusqu’à nier qu’ils fussent possibles, les proclamant à priori contraires à tous les faits : acquis, à tous les principes admis.

Dans un mémoire très détaillé sur ce sujet, M. Souleyet, chirurgien distingué de marine, se fit l’organe de ces répugnances. Il déclara que chez les mollusques, désignés par M. de Quatrefages sous le nom de phlébentérés ; l’organisation normale de ce type n’avait subi que de très légères modifications, et que, pour la circulation en particulier, ils ressemblaient entièrement aux autres animaux de ce groupe ; que chez eux, comme chez tous les mollusques, l’appareil circulatoire était complet ; que le sang partait du cœur et y revenait sans sortir d’un système de canaux limités, et possédant des parois propres. M. Souleyet s’étayait des noms de Cuvier, de Blainville ; il affirmait que ses préparations mettaient hors de doute tout ce qu’il avançait ; il