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observation de M. Agassiz a de l’intérêt en ce qu’elle parait confirmer une opinion généralement admise par les naturalistes pour expliquer un fait des plus extraordinaires. On a trouvé dans la glace, au nord de la Sibérie, des éléphans aussi complètement conservés que si la mort venait de les frapper. Ces éléphans appartiennent à une espèce perdue. Au lieu d’avoir le corps nu, comme ceux que nourrissent de nos jours l’Asie et l’Afrique, ils étaient couverts de longs poils et d’une espèce de laine. Cette circonstance leur permettait, il est vrai, d’habiter des climats moins brûlans que ceux où se plaisent leurs congénères ; cependant ils n’auraient pu vivre et se multiplier dans des régions où le froid détruit toute végétation, où ils n’auraient pu par conséquent trouver leur nourriture. Il faut donc reconnaître qu’à cette époque la Sibérie jouissait d’une température beaucoup plus douce que celle qu’on y observe de nos jours. Quelques-unes de ces révolutions que la géologie nous révèle amena l’état de chaos actuel. Ces grands mammifères, saisis par le froid, succombèrent ; ceux dont les cadavres demeurèrent exposés à l’action des agens atmosphériques ne laissèrent bientôt sur le sol que leurs ossemens et leurs défenses, qui font encore l’objet d’un commerce assez considérable. Cependant quelques individus placés dans des circonstances particulières furent entourés de glaçons qui les ont protégés, comme pour nous garder quelques échantillons complets de la création des anciens jours.

Nous venons d’indiquer deux causes de mortalité qui peuvent frapper à la fois presque tous les poissons d’une rivière, d’un étang. M. Morren en a fait connaître une troisième plus générale peut-être, c’est la diminution de la quantité d’oxygène dissout dans l’eau. Ce gaz est, on le sait, nécessaire à la vie de tous les êtres organisés ; c’est lui qui, mêlé au gaz azote dans la proportion de 21 à 79, forme l’air atmosphérique. Comme l’azote se dissout moins facilement que l’oxygène, l’air qui se trouve dans l’eau renferme d’ordinaire 32 ou 33 centièmes d’oxygène ; mais cette proportion peut, dans quelques circonstances, s’élever jusqu’à 60 centièmes ou descendre jusqu’à 18 centièmes. On comprend sans peine que les animaux, qui, comme les poissons, ne respirent que par l’intermédiaire de l’eau, doivent être vivement affectés par ces variations dans la quantité d’un élément aussi indispensable. Aussi les voit-on, à mesure que la quantité d’oxygène décroît, tomber dans un état de faiblesse et de langueur très remarquable, puis mourir asphyxiés si la désoxygénation atteint certaines limites. Les espèces carnassières, comme les perches et les brochets, succombent les premières. Les espèces herbivores résistent au contraire davantage.

M. Morren rapporte deux observations à l’appui de sa manière de voir. Dans les deux cas, des causes très différentes amenèrent la désoxygénation de l’eau, et, dans les deux cas, les poissons moururent. Le 8 juin 1835, une crue subite des eaux de la Loire fit élever les eaux de la Maine qui débordèrent et couvrirent de vastes prairies en pleine végétation. L’altération des plantes submergées amena bientôt une forte diminution dans la quantité d’oxygène que renfermaient ces mares accidentelles. Une mortalité générale