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depuis deux siècles en Angleterre, mais que l’exécration populaire a cessé récemment de poursuivre. Tout le groupe qui l’environne, spécialement Walter Gerard, son père, et Stephen Morley, son amant, sont destinés à représenter les ennemis jurés de l’aristocratie anglaise : ici, les passions et les rancunes qui se soulèvent contre des iniquités séculaires ; là, le raisonnement et la philosophie sociale ligués pour renverser, ou du moins entraver dans leur route, les exploitateurs des vieux abus.

Entre la jeune catholique élevée au fond d’un cloître et habituée à partager la vie pauvre de son père et le fils cadet d’une famille noble, le jeune Egremont, une liaison sympathique et innocente s’est établie ; sentiment vague et obscur pour ceux mêmes qui l’éprouvent, mais qui sert de pivot à la fiction tout entière. Egremont résume en lui l’héroïque jeunesse appelée au combat par M. d’Israëli. Après une adolescence étourdiment passée, il a conservé assez de vigueur dans l’ame pour voir avec dégoût les vices de son frère aîné, avare, égoïste, intrigant, malfaisant et millionnaire, qui voudrait faire contracter à son frère un mariage d’argent, et qui refuse de payer les frais de l’élection fraternelle. Les domaines de la famille catholique, dont les titres, égarés par une série d’évènemens assez peu vraisemblables, ont disparu, sont devenus la propriété légale de lord Marney. Cependant les complots chartistes se développent ; le groupe catholique et socialiste qui entoure Sybil y prend une part active ; on l’écrase sans pitié et sans remords. Le seul Egremont, à la chambre des communes, tente de réveiller la sympathie publique en faveur des classes souffrantes, et le cœur de Sybil se laisse attendrir par cette démonstration généreuse. L’emprisonnement de Gérard, la découverte des titres qui l’ont dépossédé et qui lui rendent ses biens, enfin une émeute populaire au milieu de laquelle Morley le socialiste et le suzerain égoïste lord Marney perdent la vie, terminent le roman par un coup de foudre, catastrophe pleine de sang et de poudre, grande explosion trop digne du mélodrame. Sybil, mise par l’honnête Morley en possession des titres de sa famille, les offre pour dot à Egremont, qui l’épouse, et qui réconcilie avec l’aristocratie protestante, devenue généreuse, le catholicisme, le peuple, la bourgeoisie, personnifiés par Sybil. Tel est le dénouement de cette invective amère contre les aînés, et de cette magnifique apothéose des cadets.

Cette fable, que nous avons résumée en très peu de mots, intéresse peu dans son développement. Elle pèche par le décousu, l’incohérence, le défaut d’ensemble et le choc des élémens hétérogènes qu’elle