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« Croyez-vous, disait M. Guizot dans la séance du 20 janvier ; croyez-vous que la paix consiste simplement à n’être pas en guerre ? Croyez-vous qu’il suffise de ne pas tirer des coups de canon pour être en paix ? Non, certes. Si, au milieu du silence le plus complet, du canon, il y a une lutte sourde, continuelle, une malveillance cachée, mais incessante ; si les gouvernemens, si les cabinets qui se disent en paix ; qui paraissent en paix, sont perpétuellement occupés à se nuire l’un à l’autre dans telle ou telle partie du monde, sur telle ou telle question, croyez-vous que ce soit là de la paix ? Non, messieurs, c’est une fausse paix, une paix pleine de périls, et qui tôt ou tard amène une explosion.

« Eh bien ! ce que nous avons voulu, c’est une paix réelle et sincère, une paix qui fût au fond des cœurs, comme au fond des canons, endormis dans les arsenaux Ce sera le bien des deux pays, ce sera l’honneur des deux cabinets d’avoir commencé, d’avoir inauguré cette politique de la vraie paix, de la paix réelle et sincère ; politique difficile, j’en conviens ; politique nouvelle, mais qui n’en est pas moins la seule bonne, la seule honorable.

« Voilà ce que nous appelons l’entente cordiale entre les deux gouvernemens… Il est rare, ajoutait M. Guizot, que la Providence accorde à une politique la faveur de porter promptement ses fruits ; il est rare que ceux qui ont semé soient aussi appelés à moissonner. Et pourtant, je n’hésite pas à dire que les fruits de la politique dont je parle sont déjà patens et éclatans autour de nous et dans le monde. »

M. Guizot jetait alors sur tous les points du globe un regard orgueilleux, et montrait, sous les auspices de l’entente cordiale, l’Espagne, la Grèce, l’Océanie, la Chine même, « marchant vers le plus magnifique avenir, et donnant au monde enchanté le spectacle le plus pacifique, le plus moral, le plus satisfaisant. »

Tel est le brillant tableau que, pour obtenir un vote favorable, le cabinet présentait à la chambre en 1844 ; tels sont les résultats qu’il annonçait, les promesses qu’il faisait. Il faut voir maintenant ce qu’il y avait de fidèle dans ce tableau, de réel dans ces résultats, de raisonnable dans ces promesses ; il faut voir si, lorsque la chambre s’est rassemblée de nouveau, tout cela n’avait pas reçu du temps et des faits accomplis le plus incontestable démenti.

Les points principaux sur lesquels la politique française et la politique anglaise se sont rencontrées pendant le règne de l’entente cordiale sont, si je ne me trompe, les points que voici : la Grèce, l’empire ottoman, l’Espagne, le Maroc, Taïti et le droit de visite. J’y joins, puisque la politique a voulu s’en emparer, le voyage du roi des