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prête, il n’y a pas un moment à perdre. » Je ne recherche pas, je ne veux pas rechercher si ce langage était ou non sérieux ; je le prends tel qu’il est, et je dis qu’à aucune époque la France n’a été ainsi outragée. En 1841, j’ai dû lire avec une attention scrupuleuse toutes les dépêches relatives au traité du 15 juillet ; lord Palmerston était alors ministre, et il s’agissait entre l’Angleterre et la France d’un dissentiment plus grave que celui de Taïti. Eh bien ! je le déclare, dans aucune des dépêches soit du cabinet anglais, soit des agens français, je n’ai trouvé rien de pareil. Lord Palmerston ne se piquait pas d’être l’ami de la France et la traitait bien mal ; il la traitait mieux que sir Robert Peel et lord Aberdeen, dont on nous vante l’amitié. Cela prouve le chemin que nous avons fait depuis cette époque et ce que nous avons gagné dans l’estime du monde.

Encore une fois, je ne décide point la question de savoir si ces menaces étaient sérieuses ou si ce n’était qu’un jeu, mais il faut qu’on choisisse. Or, dans le premier cas, que deviennent l’entente cordiale et la vraie paix, cette paix si heureusement inaugurée par les deux cabinets ? Dans le second, que doit-on penser d’un gouvernement auprès duquel on se croit sûr de réussir à l’aide de tels moyens ? Dans un cas comme dans l’autre, où est la bienveillance réciproque et le respect mutuel des droits et de la dignité ?

Ce n’est pas tout. Au début, on s’en souvient, sir Robert Peel, avec un emportement calculé, avait dit en plein parlement qu’une injure grossière venait d’être faite à l’Angleterre, et qu’elle en obtiendrait réparation. C’étaient là des paroles bien violentes, bien intempérées. Aussi s’était-on hâté d’annoncer en France qu’elles avaient été, sinon retirées absolument, du moins expliquées et atténuées par une dépêche subséquente. Sir Robert Peel d’ailleurs, ajoutait-on, avait été obligé de reculer et d’accepter, au lieu de la réparation qu’il semblait exiger d’abord, un arrangement équitable, honorable et plus favorable à la France qu’à l’Angleterre. Puis on prédisait avec assurance, presque avec triomphe, que de l’autre côté du détroit cet arrangement serait amèrement critiqué. « Dans quelques semaines, disait M. Hébert, rapporteur de l’adresse, vous verrez à une autre tribune se produire en sens inverse et contre le cabinet anglais les mêmes attaques, les mêmes blâmes dont on est si prodigue aujourd’hui envers le cabinet français, et cela précisément sur le même terrain, sur les mêmes questions. » - « Rappelez-vous, s’écriait M. de Peyramont, membre de la commission, rappelez-vous cette séance