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en Amérique, de 325 à 1,000. Chaque nation possédait alors, sur la côte d’Afrique, un certain nombre de forts, sous la protection desquels se faisait la traite ; ils étaient au nombre d’au moins 40, ainsi répartis : à l’Angleterre, 14 ; à la Hollande, 15 ; à la France, 3 ; au Danemark, 4 ; au Portugal, 4.

La révolution française arrêta un instant la traite, parce que les marines de l’Angleterre, de la France et de la Hollande, se poursuivirent avec acharnement ; puis la France et la Hollande se trouvèrent exclues de fait de ce commerce, en même temps que le roi de Danemark l’interdisait à ses sujets. Les Anglais succédèrent partout à ces trois peuples, et, suivant un rapport présenté au parlement en 1798, la traite tout entière se répartissait ainsi entre trois nations seulement : Angleterre, 55,000 ; Portugal, 25,000 ; États-Unis, 15,000. Soit : 95,000 en tout. Il semblerait donc qu’en 1753, 1768, 1787 et 1798, l’exportation des nègres se fût toujours élevée au même chiffre, de 90 à 100,000 nègres. Les calculateurs philanthropes nous donnent un chiffre bien plus considérable : ainsi, à cette même époque, M. Dundas évaluait dans le parlement la traite sous pavillon anglais seulement à 75,000 nègres, dont 34,000 destinés aux colonies des nations étrangères. L’Angleterre, en effet, partageait encore avec les États-Unis l’approvisionnement des colonies espagnoles ; de plus, elle s’était emparée des colonies hollandaises de la Guyane, de Demerara et de Berbice, qui, privées d’esclaves depuis le commencement de la guerre, en demandèrent un grand nombre. Le Portugal n’exportait alors de nègres qu’au Brésil. Quoi qu’il en soit, d’après les chiffres officiels que nous avons donnés, nous évaluerons de 90 à 100,000 le nombre des nègres annuellement transportés en Amérique pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Nous croyons pouvoir démontrer que ce nombre n’a pas diminué.

Nous avons déjà dit que la traite se faisait sous la protection des petits forts que chaque nation possédait en Afrique. L’achat des esclaves avait lieu au moyen d’échanges, très rarement en numéraire. Du reste, les négriers, pris parmi les matelots les plus intrépides et les plus rudes, vieillis dans une carrière qui les habituait, non pas seulement à l’insensibilité, mais à l’inhumanité la plus absolue, n’avaient point renoncé à la coutume des enlèvemens, et se composaient souvent une cargaison en incendiant un village. Souvent on les vit mettre aux fers ceux mêmes avec lesquels ils traitaient et les nègres trop crédules qui s’aventuraient sur le pont du navire. En1791, six négriers anglais et un français arrivèrent devant la ville de Calabar,