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Le cabinet, à cette époque, s’appuyait sur une coalition de whigs et de radicaux. Or, en supposant qu’on entraînât les whigs, restaient les radicaux, dont les vieilles sympathies ne paraissaient pas se démentir. Ainsi, d’une part, une résistance sérieuse au sein même du conseil ; de l’autre, une opposition presque certaine parmi les membres ministériels : voilà les obstacles que lord Palmerston devait vaincre ! Où trouva-t-il la force nécessaire pour en venir à bout ? Il serait puéril de paraître l’ignorer : ce fut dans l’adhésion formelle et presque unanime des tories. Les tories avaient, comme parti et comme individus, conservé d’intimes relations avec les cabinets étrangers et leurs représentans ; il fut donc aisé de leur faire comprendre qu’après tout, en se séparant de la France, lord Palmerston revenait à leur politique, et qu’ils lui devaient leur appui. Aussi le duc de Wellington et lord Aberdeen consultés déclarèrent-ils très positivement qu’ils approuvaient lord Palmerston, et qu’ils étaient prêts à le défendre. Lord Aberdeen alla plus loin, et écrivit une lettre qui depuis a été colportée à Paris, et dans laquelle il disait « que la récente conduite de lord Palmerston effaçait ses anciens torts. » Ce sont là des faits parfaitement connus aujourd’hui, et que M. le ministre des affaires étrangères ignore moins que personne.

Il est d’ailleurs inutile, pour établir cette complicité des tories, d’aller fouiller dans leurs conversations et dans leurs correspondances. Leurs actes publics, leurs discours, leurs écrits, en font foi. Ainsi que reprochait dans les premiers temps à lord Palmerston le Quarterly Review, organe accrédité et considérable des tories ? Est-ce d’avoir rompu avec la France ? C’est, tout au contraire, de l’avoir trop ménagée ; c’est de lui avoir offert de trop larges concessions. Aujourd’hui même, en mars 1845, bien que la tactique des tories ait changé, la même revue ne peut s’empêcher de revendiquer pour son parti une partie notable, la plus grande partie des échecs de la France en 1840. « Rarement, dit-elle, depuis la révolution il avait existé un gouvernement, aussi faible que celui de 18 !.0, et cependant à cette époque, l’Angleterre put prendre dans les affaires de l’Europe une part hardie, décisive et brillamment heureuse ; ce qui fit alors la force de l’Angleterre et ce qui détermina ses grands succès, ce fut l’unanimité de tous ses hommes d’état et le patriotisme élevé qui les empêcha de subordonner les grands intérêts du pays aux querelles parlementaires. Et croit-on que cette unanimité d’hommes d’ailleurs divisés par les lattes de parti fût un fait accidentel et fortuit ? Pas le moins du monde. Ce fait résulta de ce que la politique adoptée par lord Pamerston