Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1079

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avait pas pour fondement le caprice personnel, l’opinion individuelle d’un homme, mais était de fait la vieille politique de l’Angleterre, cette politique que le temps a sanctionnée. »

Veut-on que les revues et les journaux ne signifient rien ? Qu’on écoute le duc de Wellington déclarant en plein parlement, le 26 janvier 1841, « qu’il approuve pleinement et sans réserve la politique suivie dans l’affaire d’Orient par le cabinet whig. » Qu’on écoute au même moment les hommes d’état, les orateurs de tous les partis, le parti radical excepté, enchérissant l’un sur l’autre et célébrant avec fracas le grand triomphe de la politique britannique. En présence de paroles si positives, il est permis de se demander par quel aveuglement ou par quel calcul M. le ministre des affaires étrangères disait, dans la séance du 22 janvier 1844, « qu’à la vérité une offense avait été faite à la France, mais que le cabinet de qui provenait cette offense étant tombé, la France n’avait plus à s’en plaindre. » C’est une façon un peu expéditive d’en finir avec de justes griefs, et de sacrifier à je ne sais quel intérêt du moment les intérêts permanens et la dignité de son pays.

A parler net, des trois partis qui ont un nom en Angleterre, un seul, le parti radical, était en 1840 bien disposé pour la France. Les whigs, maîtres du pouvoir, hésitaient et se divisaient entre eux. Les tories, malgré le sentiment qui porte toute opposition à blâmer la politique de ses adversaires, les tories n’hésitaient pas, ne se divisaient pas, et en se prononçant nettement, unanimement contre la France, faisaient pencher la balance et décidaient la question. Voilà, en 1840 et au commencement de 1841, l’état exact des esprits. Cependant il est arrivé que la politique imaginée par lord Palmerston, approuvée par les tories, n’a produit aucun des bons effets qu’on en attendait. Il est arrivé que le lendemain de l’exécution du fameux traité l’empire ottoman était plus chancelant, plus troublé que jamais, tandis que la France, outragée, vaincue, humiliée, nourrissait contre un allié infidèle un vif et profond ressentiment. Sir Robert Peel alors a trouvé commode et habile de refuser pour son parti, comme pour lui-même, une responsabilité pesante, et d’en rejeter le fardeau tout entier sur lord Palmerston et sur les whigs. C’est de la part de sir Robert Peel et des tories une tactique toute naturelle. C’est pour lord Palmerston et pour les whigs une juste punition ; mais la France ne doit pas être dupe et se figurer ridiculement qu’elle a plus d’amis parmi les conservateurs que parmi les libéraux. En 1841, je l’ai dit, et je le répète, il était bon, il était utile, pour les relations de la France et de l’Angleterre, que le pouvoir changeât de mains. Depuis ce temps, quatre ans