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se sont écoulés, et l’expérience a prouvé que, si l’alliance doit jamais se renouer, ce ne sera point à la faveur de quelques politesses mutuelles. Le moment est donc venu de ne plus se payer de vaines paroles et d’aller au fond des choses. Le moment est venu de demander le, secret des partis, non à leur conduite accidentelle, mais à leurs instincts, à leurs sentimens, à leurs intérêts véritables.

Une fois la question ainsi posée, il serait peut-être aisé d’établir que, si la France peut trouver en Angleterre quelques sympathies, c’est plutôt dans les classes populaires que dans les classes aristocratiques, plutôt dans l’opinion réformiste que dans l’opinion conservatrice. Il serait aisé de démontrer aussi que, si une crise éclatait en Europe, il y aurait pour la France plus de chances de bon accord avec un ministère whig-radical qu’avec un ministère tory. Mais à quoi bon ? D’une part, lord Palmerston et ses amis par point d’honneur ou par entêtement paraissent persister à l’égard de la France dans une hostilité puérile ; de l’autre, ce ne sont, à vrai dire, ni les whigs ni les tories qui gouvernent, mais un ministère d’hommes intelligens, raisonnables, habiles, qui ont rompu avec les mauvaises passions de leur parti, qui ont accepté ce qui leur a paru praticable dans les principes de leurs adversaires. Ce que ces hommes viennent de faire au dedans avec tant d’éclat et de courage, rien ne prouve que, si l’occasion s’en présentait, ils ne le fissent pas au dehors. Il serait donc aussi injuste qu’impolitique de voir en eux les successeurs de Pitt, les héritiers de Castelreagh et de leur attribuer des préjugés et des petitesses dont ils tendent, chaque jour à se défaire. Il suffit d’avoir constaté que la question internationale et la question ministérielle sont en Angleterre profondément séparées ; il suffit d’avoir prouvé qu’entre deux majorités dont l’une aurait pour appoint nécessaire les ultra-tories, l’autre les radicaux, ce n’est point la première, en définitive, qui serait la plus favorable à la France. Les ultra-tories se croient de temps en temps, obligés de faire, avec douleur, quelques concessions à l’esprit du siècle, mais cet esprit ne leur en paraît pas moins un ennemi odieux et dangereux. Les radicaux, au contraire, l’aiment et espèrent en lui. Or, ultra-tories et radicaux savent également qu’il a son siège à Paris, plutôt qu’à Vienne, plutôt qu’à Berlin, et au besoin ils agiraient en conséquence.

Je le répète, au surplus, c’est là, en présence du cabinet actuel, une question oiseuse, une question sur laquelle il est inutile de s’appesantir, et que le temps se chargera de résoudre.

Faut-il croire maintenant que ce qui est faux pour l’Angleterre