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à la torche sacrilége de la courtisane qui, pour rivaliser avec son royal amant, voulut, elle aussi, venger la Grèce en brûlant le palais de Xercès.

Seules, Babylone et Ninive, ces deux villes réprouvées de Dieu, n’avaient rien laissé entrevoir de leurs somptueux édifices ensevelis sous de vastes monticules ; et si le chamelier arabe ne leur avait, par tradition, conservé leurs noms antiques, Babel, Neïnivèh, qui pourrait dire aujourd’hui où elles furent ? Les restes de ces cités maudites avaient toujours échappé aux investigations les plus minutieuses, et, à part quelques débris d’inscriptions inintelligibles, rien n’était venu en révéler la trace. Quelques tertres espacés étaient les seuls indices auxquels on pût reconnaître l’emplacement des deux villes. Une poussière brûlante, des fragmens de briques calcinées couvraient au loin le sol, comme si Dieu avait voulu que leurs cendres jetées au vent et leurs ossemens épars prouvassent que ces deux reines de l’Asie étaient restées sans sépulture. Dieu l’avait annoncé aux hommes par la bouche de ses prophètes. À Babylone, Jérémie avait dit : « Babylone, la noblesse des royaumes, l’excellence et l’orgueil des Chaldéens, sera comme quand Dieu renversa Sodome et Gomorrhe. » Nahum s’écriait : « Le Seigneur prononcera ses arrêts contre vous, prince de Ninive ; le bruit de votre nom ne se répandra plus à l’avenir ; j’exterminerai les statues et les idoles de la maison de votre dieu ; je la rendrai votre sépulcre, et vous tomberez dans la poussière. » Jonas, en parcourant la ville d’Assur, ne cessait de répéter : « Dans quarante jours, Ninive sera détruite. » Et depuis 2031 ans pour Babylone, 2471 pour Ninive, la mort, la solitude, ont succédé aux clameurs des peuples, à l’animation de ces capitales si florissantes. Rien de la ville de Sémiramis, rien de celle de Ninus.

Cependant le voyageur inquiet et avide cherchait encore ; un coin d’une tablette cunéiforme, un morceau de brique émaillée, l’encourageaient. S’il parvenait à trouver un onyx sacré, un cylindre ou l’un de ces cônes d’agate, amulettes symboliques des prêtres chaldéens, heureux il quittait le sol où le Mède Cyaxare fit crouler dans la poussière le trône de Sennachérib et celui où Balthazar avait fait dresser son pompeux festin. En voyant ces solitudes que la colère de Dieu, plus encore que la gloire des rois, avait rendues célèbres, il se disait : La prédiction est accomplie. L’historien refeuilletait les livres, et ne pouvait déduire aucun fait certain des vieilles traditions ; il s’efforçait d’accorder entre eux tant de récits contradictoires, et cherchait en vain à découvrir la vérité sous le voile épais qui la cachait. L’antiquaire se