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haute intelligence et la capacité s’étaient appliquées jusque-là à des matières fort différentes, n’avait pas toutes les connaissances qu’exigeait ce grand travail, et ses occupations consulaires l’en auraient d’ailleurs empêché. Il prit donc avec désintéressement, et dans une pensée toute patriotique, le meilleur parti que pût lui suggérer le désir de faire profiter son pays d’une découverte aussi importante : il dessina ce qu’il avait mis au jour avec le discernement, le tact, et je dirai même le sentiment nécessaire pour faire comprendre parfaitement le caractère et le style de ces sculptures ; il copia également quelques lignes de ces hiéroglyphes énigmatiques, et envoya le tout à Paris, à l’Académie des Inscriptions, en la priant de prêter quelque attention à sa découverte, et, si elle la trouvait digne d’intérêt, si elle la jugeait de quelque importance, de vouloir bien la recommander aux ministres compétens qui pourraient la faire fructifier et fournir les moyens de pousser les recherches jusqu’à la limite de leur utilité.

Le corps savant auquel M. Botta avait fait part de ses premiers travaux, si zélé pour tout ce qui peut agrandir le cercle de nos connaissances, prit le plus vif intérêt à la découverte du consul de France : il la recommanda à MM. les ministres de l’intérieur et de l’instruction publique en termes si pressans, et leur fit entrevoir sous un point de vue si favorable la nouvelle carrière que M. Botta ouvrait à la science des antiquaires, qu’ils résolurent de concourir généreusement à cette œuvre, et d’envoyer quelqu’un de l’art pour faire les travaux graphiques. Les voyages que j’avais précédemment faits en Orient, notamment en Perse, où j’avais été chargé d’étudier la sculpture des deux époques achéménide et sassanide firent jeter les yeux sur moi, et je fus désigné pour aller à Mossoul remplir la mission de confiance dont il s’agissait. La première chose à faire pour mener à fin une entreprise de cette importance était d’obtenir de la Porte les firmans sans lesquels on ne pouvait s’assurer la libre exploitation de cette mine archéologique. J’avais aussi à me prémunir d’avance contre les obstacles que pourrait susciter la jalousie des fonctionnaires turcs. Ceux-ci chercheraient en effet par tous les moyens à tirer profit de la découverte de ces monumens qu’ils n’auraient pas hésité à détruire s’ils n’avaient écouté que le fanatisme religieux et leur brutalité naturelle. Il fallait donc obtenir du gouvernement ottoman la faculté d’arracher à un sol foulé par des pieds fanatiques, et qui avaient déjà, depuis Mahomet, écrasé tant de précieuses reliques de l’antiquité, les belles sculptures qui allaient enfin faire toucher du doigt cet art assyrien regardé long-temps comme fabuleux, malgré les récits d’Héro-