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venu trois ou quatre siècles avant l’art de Xercès et de Darius, l’art assyrien a dû, à plus forte raison, faire des emprunts aux plus anciens monumens de l’Inde et de l’Égypte, qui avaient marché, bien avant Ninive elle-même, dans la voie de cette antique civilisation dont il est impossible de fixer l’âge dans la chronologie des peuples. On ne peut donc pas affirmer, je crois, d’une manière absolue, que les monumens de l’Asie occidentale ressemblent plus à ceux de l’Égypte qu’à ceux de l’Inde. L’édifice découvert près de Mossoul m’a paru une imitation correcte, vraie, finement exécutée des spéos d’Ipsamboul ou d’Éléphanta, et si j’en croyais les taureaux symboliques qui gardent les grandes portes de Khorsabad, et rappellent les éléphans de Carli ou le bœuf Nandi, je pencherais à croire que l’art assyrien a plus d’affinité avec les monumens de l’Inde qu’avec ceux de l’Égypte. Mais, pour en revenir à la voûte, la grande question est de savoir si, en admettant que les Assyriens ne l’aient pas d’eux-mêmes imaginée, ils ont pu l’emprunter à l’un de ces deux pays. Or, nous trouvons dans l’Inde des topes ou des temples dédiés à Bouddha qui sont voûtés et terminés par des coupoles, et, après la description que M. Champollion a faite d’une voûte construite en briques crues à Thèbes, on est obligé d’admettre que les voûtes, quelle qu’en fût la forme, étaient aussi employées dans les constructions des Égyptiens. Il me semble que devant ces faits prouvés, authentiques, il est impossible de se refuser à croire que la voûte soit plus ancienne que les monumens trouvés à Khorsabad, et que, par conséquent, les Assyriens aient pu l’employer par imitation. Tout ceci, j’en conviens, peut servir à établir seulement des inductions plus ou moins probables ; mais ce qui me paraît donner plus de force à mon opinion, c’est que, comme je l’ai dit, je n’ai retrouvé aucun des matériaux qui auraient pu appartenir à un plafond, soit en pierre, soit en bois, supporté par des colonnes, ou à un toit en chevron ; tandis que, dans la masse énorme des décombres tirés de la plus grande salle, que j’ai déblayée exprès, j’ai retrouvé une quantité considérable de fragmens de briques qui n’ont pu appartenir qu’à une voûte. Une autre particularité a fortifié mon sentiment à cet égard : c’est la présence de briques taillées et échancrées à angles droits, alternativement saillans et rentrans, les unes en ayant quatre, les autres trois ou deux, de dimensions proportionnées au nombre des échancrures. Très probablement ces échancrures étaient destinées à être superposées, et à figurer ainsi ces pendentifs qui se sont perfectionnés plus tard dans l’architecture arabe, et sont devenus ces encorbellemens si gracieux que l’on remarque dans les