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Les ennemis de Pitt ne furent pas découragés par un échec aussi complet. Dans le cours de la session suivante, celle de 1802, ils revinrent plusieurs fois à la charge pour essayer d’infliger une flétrissure parlementaire à l’ancienne administration. Whitbread se livra contre le système financier que Pitt avait suivi pendant la guerre à une critique détaillée que ce dernier réfuta avec beaucoup de talent et de succès. Sir Francis Burdett demanda une enquête sur l’ensemble des actes du précédent cabinet ; il ne put pas rallier quarante voix à cette motion agressive. Enfin, John Nicholls ayant proposé de remercier le roi d’avoir éloigné Pitt de ses conseils, non-seulement sa proposition ne fut pas adoptée, mais une résolution qui reconnaissait la sagesse, l’énergie, la fermeté dont le ministère ainsi dénoncé avait donné tant de preuves, fut votée, avec le concours du nouveau cabinet et malgré les efforts désespérés de l’opposition, par une majorité qui comprenait les quatre cinquièmes de la chambre. On vota ensuite des remerciemens à Pitt, et l’anniversaire de sa naissance, survenu peu de jours après, fut célébré dans un banquet très nombreux où se réunirent la plupart des hommes éminens du pays. Ainsi, tout ce qu’on tenta pour l’abattre ou pour l’humilier ne servait qu’à mieux faire ressortir la puissance morale qu’il avait conservée tout entière en quittant les fonctions ministérielles.

Cette puissance, il continuait à en faire usage pour soutenir le cabinet. Bien qu’il affectât de ne pas confondre entièrement sa propre politique avec celle des dépositaires actuels du pouvoir, il les défendait contre ses amis les plus ardens, qui les accusaient de faiblesse et d’impuissance. Windham, Canning, dans la chambre des communes, lord Grenville et les anciens disciples de Burke dans la chambre des lords, leur reprochaient de ne pas soutenir avec assez de vigueur les intérêts et la dignité de l’Angleterre, et blâmaient amèrement les conditions de la paix conclue avec la France, de cette paix si vivement approuvée d’abord par la presque unanimité du pays. Pitt entreprit de les justifier. Tout en laissant entendre qu’à son avis on eût pu obtenir des stipulations plus avantageuses, il exprima l’opinion que celles même qu’on avait acceptées étaient préférables à la continuation de la guerre. Il fit valoir l’importance des deux îles cédées à l’Angleterre pour l’accroissement de sa puissance maritime. Il rappela ce qu’il avait dit si souvent, que la restauration de la monarchie française, quelque désirable qu’elle pût être, n’avait jamais été, dans sa pensée, la condition absolue d’une pacification, et que le but constamment indiqué était une garantie contre les dangers dont la France révolutionnaire