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les conseils du sage Wilberforce, il céda enfin. Il craignait, peut-être, qu’une plus longue résistance de sa part ne décidât ses partisans à l’abandonner pour se rallier, soit à Fox, soit à lord Grenville. On a dit aussi qu’il éprouvait quelque inquiétude de l’ascendant qu’Addington prenait peu à peu sur l’esprit du roi. Enfin, il ne serait pas juste de méconnaître qu’aux intérêts personnels dont Pitt subissait l’influence, il se mêlait en réalité des considérations d’intérêt public assez puissantes, assez évidentes pour lui faire illusion à lui-même sur les motifs de sa conduite, pour lui présenter comme l’accomplissement d’un devoir ce qui n’était, à certains égards, qu’une satisfaction donnée à ses passions. Il lui était permis de penser, bien d’autres pensaient avec lui que l’Angleterre réclamait le secours de sa main puissante pour la défendre contre les immenses périls dont elle était menacée et qu’aggravait encore l’état précaire de la santé du roi, livré alors à un nouvel accès de sa terrible maladie qui, s’il s’était prolongé davantage, eût soulevé, de nouveau la question de la régence.

Pitt se décida donc à joindre ses efforts à ceux des autres adversaires du cabinet. Dès lors, le résultat de la lutte ne fut plus douteux. Les trois partis coalisés, celui de Fox, celui de lord Grenville et celui des adhéreras immédiats de Pitt, comprenaient, sauf de très rares exceptions, tout ce que l’Angleterre renfermait de personnages considérables par le rang, la naissance, l’importance personnelle et le talent. Dans l’une comme dans l’autre chambre, les ministres ne pouvaient plus compter que sur la masse de ces homme timides, que toute idée d’opposition effraie, qui voient un danger et presque un crime dans les mouvemens toujours tumultueux des partis, qui, après avoir accepté un ministère, lui conservent leur appui tant qu’il est maintenu au pouvoir, mais qui ne sont pas capables de rendre cet appui bien efficace lorsqu’il est isolé. Réunis à cette autre classe d’hommes que leur position officielle et subordonnée place dans la dépendance presque nécessaire des dépositaires de l’autorité, et au très petit nombre de membres de l’ancienne opposition qui s’en étaient séparés, à l’exemple de Tierney et de Sheridan, ils formaient encore une majorité numérique en faveur du cabinet, mais cette majorité était trop faible pour balancer long-temps les forces de la coalition.

Cette coalition, il est vrai, n’était pas franche et complète. Pitt, averti sans doute par le souvenir de celle dont il avait si glorieusement triomphé au début de sa carrière, s’efforçait d’éviter les fautes sous lesquelles avait alors péri pour long-temps la popularité de Fox. Après lui avoir si souvent reproché de trahir son passé et ses propres