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l’ancienne opposition gagna en force et en crédit tout ce que perdait le parti du gouvernement. Elle vit rentrer dans son sein le petit nombre de ses membres qui s’étaient joints à Addington ; lord Grenville et ses amis, emportés par leurs ressentimens contre Pitt, se confondirent complètement avec elle ; Addington même, et la faible fraction de la chambre des communes qui recevait ses inspirations, s’en rapprochèrent jusqu’à un certain point. Avec de tels auxiliaires, Fox, naturellement confiant, pouvait espérer une victoire prochaine.

Telles étaient les circonstances dans lesquelles Pitt, toujours ferme, inébranlable, mais malade, épuisé par le travail, aigri par tant de contrariétés, reprenait la direction de la politique de son pays au milieu d’une guerre extérieure dont les difficultés et les dangers eussent suffi pour absorber toute la puissance de son génie. Lorsque sa pensée se reportait à vingt années en arrière, elle devait être douloureusement frappée du contraste de sa situation actuelle avec celle où il s’était trouvé lorsqu’au début de sa carrière, à l’âge où d’ordinaire les hommes ne sont pas encore nés à la vie politique, on l’avait vu, vainqueur d’une autre coalition de partis, commencer avec tant d’éclat son glorieux et long ministère.

Ce que les partis coalisés avaient particulièrement reproché à Addington, c’était la faiblesse, l’insuffisance du système combiné pour la défense du territoire britannique, système dans lequel il faisait, disait-on, une trop large part à l’organisation des volontaires comparativement aux forces régulières. Pitt, à peine entré dans l’exercice de ses fonctions ministérielles, s’empressa de proposer à la chambre des communes la formation d’une armée de réserve composée d’hommes levés dans chaque paroisse en proportion de sa population, et destinée à fournir annuellement douze mille recrues à l’armée de ligne. Addington et ses amis combattirent, comme on devait s’y attendre, ce nouveau projet. Fox et Windham, sans en désapprouver l’ensemble, y firent de nombreuses objections, et Grey réussit, dans un moment ou la plupart des amis du cabinet étaient absens de la chambre, à faire résoudre dans le sens de l’opposition une question incidente. Pitt en ressentit une extrême irritation ; l’opposition, au contraire, encouragée par ce petit succès, conçut l’espoir de faire rejeter le bill, et la discussion prit un caractère de violence qui mit au grand jour l’exaspération des esprits. Sheridan se fit surtout remarquer par ses emportemens et par ses sarcasmes. Rappelant qu’Addington s’était cru obligé de se retirer lorsqu’il n’avait plus été appuyé que par une faible majorité, il en tira la conséquence que Pitt était tenu de suivre