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LA

BAIE-DES-TRÉPASSÉS.[1]


Sur les débris épars au fond de cette baie
Qu’attriste incessamment l’aigre cri de l’orfraie,
Des gens agenouillés ont long-temps prié Dieu ;
Enfin, rasant les bords de ce funèbre lieu,
Voici que vers le cap ils s’en vont, mais si sombres,
Qu’on dirait tour à tour des vivans ou des ombres ;
De pauvres naufragés perdus sur les îlots,
Ou des ames en peine errant le long des flots.
Cependant le premier de la bande est un prêtre,
À son vêtement noir facile à reconnaître ;
Puis viennent sur ses pas deux jeunes passagers,
Un mousse, des marins, bizarres étrangers.

  1. La Baie-des-Trépassés est située à l’une des pointes extrêmes de la Cornouaille (Finistère), et en face de l’île druidique de Sein. Suivant les traditions locales, d’accord avec l’historien Procope, c’est dans cette baie qu’arrivaient les âmes des morts avant d’être passées dans l’île. Quelques commentateurs d’Homère y placent l’évocation des ombres par Ulysse. La baie funèbre, l’immense cap qui la domine, le détroit si redouté des marins et des pêcheurs, et l’île mystérieuse à l’horizon, présentent, dans ce qu’il a de plus mélancolique et de plus sauvage, le génie de la Bretagne.
    Cet épisode est tiré du poème des Bretons, que publiera très prochainement M. Brizeux chez l’éditeur Masgana.