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et qu’après ce terme il ferait exécuter strictement les lois. Il tint parole, et sa vigilance eut les plus heureux effets. En 1840, 56 négriers étaient partis de la Havane ; en 1841, il en sortit 31, et en 1842, 3 seulement. Le nombre des esclaves subit la même réduction ; voici les chiffres que nous trouvons dans les rapports anglais :

1838 : 28,000
1839 : 25,000
1840 : 14,470[1]
1841 : 11,850
1842 : 3,150

Nous croyons que ce rabais est exagéré. Il y eut sans doute une diminution fort considérable, et qu’attesteraient au besoin les murmures des colons contre le capitaine-général et les démarches faites par eux en Espagne pour obtenir son remplacement ; pourtant il ne faudrait pas se faire illusion. Le général fit tous ses efforts pour exécuter strictement les lois, et il est certain que la traite se trouva entièrement paralysée à la Havane ; mais sur les autres points de l’île la bonne volonté du général fut impuissante, parce que les autorités locales, ou par corruption, ou par esprit d’opposition, fermèrent les yeux sur les opérations de traite. Chassés de la Havane, les négriers transportèrent le siège de leurs entreprises à Matanzas, dont le gouverneur leur était dévoué, et tandis qu’en 1840 Matanzas ne figure que pour 1,650 nègres dans l’importation totale, les commissaires anglais disent qu’il est à leur connaissance que, du 1er janvier au 6 septembre 1842, plus de 4,500 noirs y ont été débarqués, sans compter ceux que des chaloupes ont déposés sur la côte. Prenons 9,000 comme le chiffre de l’importation faite à Matanzas seulement en 1842 ; nous sommes déjà bien loin du chiffre donné par le consul-général anglais à la Havane. Nous avons donc le droit de regarder comme beaucoup trop faibles les chiffres présentés pour les deux ou trois dernières années ; d’autant plus que la vigilance du général Valdez eut pour effet de déterminer les négriers espagnols à adopter l’usage des négriers brésiliens, c’est-à-dire à faire plusieurs voyages à la côte d’Afrique sans entrer dans le port. Un seul bâtiment, la Segunda Palmyra, a débarqué à Matanzas, dans les premiers mois de 1843, 1,700 noirs en deux voyages ; il suffit, on le voit, que quelques négriers aient échappé à toute surveillance pour qu’il faille augmenter considérablement le nombre des nègres

  1. Ainsi répartis : la Havane, 10,104 ; Matanzas, 1,650 ; San-Iago, 500 ; autres ports, 2,200.