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introduits à Cuba. Du reste, depuis le départ du général Valdez, les commissaires anglais se plaignent que la traite ait recommencé avec plus d’activité que jamais ; les rapports qui seront soumis incessamment au parlement nous apprendront jusqu’à quel point ces plaintes sont légitimes.

D’après ce qui précède, on ne s’étonnera pas que nous soyons assez embarrassé pour assigner un chiffre, même approximatif, à l’importation des noirs à Cuba. Nous ne tiendrons pas compte des deux années de l’administration du général Valdez, qui ne furent qu’un accident. D’un autre côté, nous n’adopterons pas le chiffre de 60,000 donné par sir F. Buxton, ni même celui, plus modéré, de 40,000 donné par les commissaires anglais, car nous voulons avant tout qu’on ne puisse pas nous accuser d’exagération dans nos calculs ; plus nos évaluations auront été modérées, plus les conclusions que nous tirerons seront inattaquables, et plus notre démonstration sera complète. Acceptons pour la Havane le chiffre moyen auquel nous nous sommes arrêté plus haut, soit 18,900, et admettons, ce qui est sans doute fort au-dessous de la vérité, que ce port fasse à lui seul les trois quarts de la traite de l’île : nous aurons 25,000 nègres pour l’importation annuelle à Cuba depuis 1830. Ce chiffre doit être certainement plutôt au-dessous qu’au-dessus de la réalité. Le fait constant de l’excès des décès sur les naissances se reproduit à Cuba, et plus que partout ailleurs. Cela tient à plusieurs causes, dont la principale est une énorme disproportion numérique entre les deux sexes, les négriers ayant intérêt à introduire de préférence des hommes, car, à embarras et à frais égaux, la différence du prix est assez sensible. Cette disproportion des deux sexes a pour résultat un libertinage effréné qui nuit beaucoup à la reproduction de l’espèce. Pour ne citer qu’un exemple, une habitation voisine de la Havane comptait 180 nègres, et les femmes s’y trouvaient dans une proportion beaucoup plus forte que sur la grande majorité des plantations ; en six années, on n’y compta que neuf naissances. Cependant l’infanticide, l’avortement, sont sévèrement défendus à Cuba, et le mayor de l’habitation peut juger et punir sommairement ces crimes, sans l’intervention du magistrat. Il devrait donc y avoir une diminution chaque année sur le nombre des nègres, et, en effet, on calcule que, déduction faite des naissances, elle est de 10 pour 100 sur les plantations à sucre, et de 5 pour 100 sur les plantations de café, et, en tenant compte de l’inégale répartition des deux cultures, de 8 et demi pour 100 pour l’île entière. Le recensement de 1327 donnait à Cuba 286,942 esclaves ;