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les lecteurs n’ont rien trouvé dans le journal officiel des objections que MM. Arago et Mathieu opposaient aux argumens de M. Biot. Cela prouve qu’on dit parfois des choses qu’on ne voudrait pas imprimer : Verba volant, seripta manent.

Ces comptes rendus si inoffensifs, qui ne devaient rien coûter, sont un gouffre qui menace d’engloutir toutes les ressources de l’Académie. Non-seulement les moyens ordinaires n’y suffisent plus, mais outre l’emploi d’une allocation considérable qu’à son précédent ministère M. de Salvandy avait obtenue pour les publications de l’Académie, on a dû appliquer à cet usage les fonds légués par M. de Monthyon, et il est arrivé que, contrairement à la volonté du donateur et au vœu des commissions, les prix accordés à divers savans ont été réduits, parce que l’argent avait été dépensé pour les comptes rendus. Il va sans dire que les mémoires de l’Académie ne voient le jour actuellement qu’à de rares intervalles, et que cette belle collection, qui fait tant d’honneur à la France, et dans laquelle ne paraissaient que des travaux dus à de longues méditations, se trouve en partie sacrifiée à un recueil périodique où tout se fait à la hâte, et qui pourrait avoir pour les sciences la même influence pernicieuse qu’a eue pour la littérature le roman-feuilleton Si l’Académie ne veut pas s’exposer aux plus sérieuses conséquences, il faut qu’elle s’arrête sur la pente où on l’entraîne. Les sociétés savantes les plus célèbres de l’Europe publient un bulletin de leurs travaux, mais ce bulletin, concis et peu étendu, sert aux besoins de la science, et n’offre aucun des inconvéniens attachés aux comptes rendus de l’Académie des Sciences de Paris. Une autre classe de l’Institut, l’Académie des Sciences morales et politiques, fait paraître aussi le compte rendu de ses séances ; mais, grace à l’heureuse direction que donne à cette publication M. Mignet, ce bulletin, si nous sommes bien informés, ne coûte rien à l’Académie. Dans l’état actuel des choses, avec l’extension donnée aux applications des sciences à l’industrie, pour critiquer sévèrement un recueil périodique rédigé par les secrétaires perpétuels de l’Académie des Sciences de Paris, il suffit de dire que ce recueil coûte énormément et ne rapporte presque rien.

Après ce qui précède, chacun comprendra pourquoi la Revue va désormais recommencer périodiquement les communications scientifiques qu’elle adressait autrefois à ses lecteurs.



V. de Mars.